Claude Lienhard
Avocat spécialisé en droit du dommage corporel,
Professeur ĂmĂ©rite Ă lâUniversitĂ© Haute-Alsace,
Directeur honoraire du CERDACC
et
Catherine Szwarc
Avocate spécialisée en droit du dommage corporel
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I â Droit du dommage corporel
1- La pension de rĂ©version nâest pas un revenu du foyer
La pension de rĂ©version versĂ©e du chef du premier conjoint de la veuve de la victime, suspendue pendant le temps du second mariage, ne constitue pas un revenu de leur foyer et nâest pas la consĂ©quence directe et nĂ©cessaire du dĂ©cĂšs de la victime.
Cass. 2e civ., 16 sept. 2021, n° 20-14383 A LIRE ICI
Réponse de la Cour :
Vu les articles 706-3 et 706-9 du code de procédure pénale et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
- Il rĂ©sulte du premier texte et du principe susvisĂ©s queâen cas de dĂ©cĂšs de la victime directe, le prĂ©judice patrimonial subi par lâensemble de la famille proche du dĂ©funt doit ĂȘtre Ă©valuĂ© en prenant pour Ă©lĂ©ment de rĂ©fĂ©rence le revenu annuel du foyer avant le dommage ayant entraĂźnĂ© le dĂ©cĂšs de la victime directe, en tenant compte de la part de consommation personnelle de celle-ci, et des revenus que continue Ă percevoir le conjoint, le partenaire dâun pacte civil de solidaritĂ© ou le concubin survivant. Pour dĂ©terminer le montant de ces derniers, seuls doivent ĂȘtre pris en considĂ©ration les revenus perçus par le conjoint survivant antĂ©rieurement au dĂ©cĂšs et maintenus aprĂšs celui-ci, ainsi que tout nouveau revenu qui est la consĂ©quence directe et nĂ©cessaire du dĂ©cĂšs.
- Il rĂ©sulte du second des textes susvisĂ©s que la commission dâindemnisation des victimes dâinfractions tient compte, dans le montant des sommes allouĂ©es Ă la victime au titre de la rĂ©paration de son prĂ©judice, des indemnitĂ©s de toute nature reçues ou Ă recevoir dâautres dĂ©biteurs au titre du mĂȘme prĂ©judice.
- Il dĂ©coule de lâensemble de ces dispositions que la circonstance quâaprĂšs le dĂ©cĂšs du dernier conjoint ou concubin, le survivant perçoive, du chef dâun prĂ©cĂ©dent conjoint ou concubin, une pension de rĂ©version, dont le versement, suspendu Ă la suite du remariage, a repris aprĂšs le dĂ©cĂšs, nâest pas de nature Ă diminuer le montant de la rĂ©paration du prĂ©judice Ă©conomique subi.
- Pour allouer Ă Mme [C] la somme quâil retient au titre de son prĂ©judice Ă©conomique, lâarrĂȘt constate que le solde du revenu annuel du foyer, pour lâannĂ©e 2006, doit ĂȘtre ramenĂ© Ă une certaine somme, compte tenu de la part dâautoconsommation de [I] [C], quâil fixe Ă 40 %.
- LâarrĂȘt ajoute que, sur ce montant, il convient de dĂ©duire les revenus existant avant le dĂ©cĂšs et subsistant aprĂšs celui-ci, de mĂȘme que les revenus consĂ©cutifs au dĂ©cĂšs, Ă savoir la pension de rĂ©version versĂ©e du chef de [I] [C] et la pension de rĂ©version versĂ©e du chef du premier conjoint de Mme [C], qui avait Ă©tĂ© suspendue pendant le temps du mariage, et lui a Ă©tĂ© Ă nouveau versĂ©e, aprĂšs le dĂ©cĂšs de [I] [C].
- En statuant ainsi, alors quâelle constatait que la pension de rĂ©version versĂ©e du chef du premier conjoint, suspendue pendant le temps du mariage de M. et Mme [C], ne constituait pas un revenu de leur foyer et quâelle nâĂ©tait pas la consĂ©quence directe et nĂ©cessaire du dĂ©cĂšs de M. [C], la cour dâappel a violĂ© les textes et le principe susvisĂ©s.
2. BarÚmes et référentiels
La bataille contre le barĂšme « Macron » continue. Le nouvel acte de rĂ©sistance Ă©mane de cour dâappel de Grenoble qui a dĂ©cidĂ© dâaller au-delĂ du plafonnement. Il faut faire confiance au juge. Ce qui vaut en matiĂšre de droit du travail vaut aussi pour la rĂ©paration des dommages corporels.
Pour autant les référentiels méthodologiques sont utiles pour nourrir soit les négociations entre créanciers et débiteurs indemnitaires institutionnels soit le débat judiciaire.
Le rĂ©fĂ©rentiel « Mornet » (A LIRE ICI) est dĂ©sormais un outil essentiel non contraignant et assorti dans sa nouvelle Ă©dition de lâavertissement usuel :
« Ce document nâest pas un ouvrage qui traite de lâensemble des difficultĂ©s juridiques relatives Ă la rĂ©paration du dommage corporel. Il propose seulement une aide mĂ©thodologique et des rĂ©fĂ©rences dâindemnisation aux praticiens (magistrats et avocats) confrontĂ©s Ă cette question.
Le document adopte la nouvelle nomenclature des préjudices corporels esquissée par le groupe de travail présidé par Yvonne Lambert-Faivre et proposée par le groupe de travail dirigé par Jean-Pierre Dintilhac.
Il intĂšgre la rĂ©forme de la loi du 21 dĂ©cembre 2006 qui prend en compte la jurisprudence jusquâen juillet 2021.
Ce document a en outre pour objet de proposer les rĂ©fĂ©rences dâindemnisation figurant dans le RĂ©fĂ©rentiel indicatif de l’indemnisation du prĂ©judice corporel des cours dâappel.
Il est certain que chaque victime prĂ©sente un cas particulier qui est fonction notamment de sa profession, de son Ăąge, de lâincidence des faits sur ses revenus, etc. Il est cependant utile dâavoir des rĂ©fĂ©rences jurisprudentielles destinĂ©es Ă aider les praticiens du droit du dommage corporel ».
Sur le plan bibliographique, il existe plusieurs ouvrages de référence :
-lâouvrage de Max Le Roy, Jean-Jacques Denis Le Roy et FrĂ©dĂ©ric Bibal, intitulĂ© « LâĂ©valuation du prĂ©judice corporel », Ă©ditĂ© chez Litec ;
-lâouvrage de Yvonne Lambert-Faivre et StĂ©phanie Porchy-Simon, intitulĂ© « Droit du dommage corporel âSystĂšmes dâindemnisation » Ă©ditĂ© chez Dalloz ;
-lâouvrage de GisĂšle Mor et Laurence Clerc-Renaud intitulĂ© «Ăvaluation du dommage corporel âStratĂ©gies dâindemnisation âmĂ©thodes dâĂ©valuation», Ă©ditĂ© chez Delmas.
3. Nouveautés et innovations au service de la réparation intégrale et de la réinsertion
Toujours ĂȘtre Ă lâaffĂ»t, on relĂšvera :
-La machine multi-sensorielle qui apaise les angoisses :
-Les réflexions sur les exosquelettes : A LIRE ICI
 -La 3D pour rĂ©parer lâintime :
-Le marathon avec les poumons dâune autre :
-La crĂ©ation dâun Memoji portant un implant cochlĂ©aire partageable via messages et FaceTime depuis votre appareil Apple. A LIRE ICI
4. Ăvaluer et combattre la douleur
Le prix Nobel de médecine est décerné aux Américains David Julius et Ardem Patapoutian, pour leurs découvertes sur les récepteurs de la température et du toucher.
Ces travaux éclairent notamment des mécanismes de la douleur.
5. Préjudice esthétique : un témoignage éclairant au temps des réseaux sociaux
Câest un secret quâil gardait depuis un an. Olivier Rousteing, crĂ©ateur star de la maison Balmain, a rĂ©vĂ©lĂ© samedi sur Instagram avoir Ă©tĂ© griĂšvement blessĂ© lâan passĂ©Â dans lâexplosion de sa cheminĂ©e :  «Je me sens enfin prĂȘt Ă partager ça. Je le cache depuis trop longtemps et il est temps pour vous de savoir. Il y a un an exactement, la cheminĂ©e chez moi a explosé», dĂ©bute-t-il, accompagnant son long texte dâune photo de lui. Le jeune homme apparait le haut du corps entiĂšrement bandĂ©, le visage en partie brĂ»lĂ©. A LIRE ICI
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6. Coma et accompagnement, un cas exemplaire
Trente-neuf ans au chevet de son mari victime dâune erreur mĂ©dicale.
II â Droit des victimes
1. Le droit dâagir des associations
La capacitĂ© des associations Ă agir en justice pour la dĂ©fense dâintĂ©rĂȘts collectifs est soumise Ă des conditions de recevabilitĂ© variables selon les juges saisis et les sujets concernĂ©s. Tandis que devant les juges civil et administratif, la recevabilitĂ© de lâaction repose sur lâapprĂ©ciation de lâintĂ©rĂȘt Ă agir, devant le juge pĂ©nal prĂ©vaut le principe selon lequel la capacitĂ© Ă enclencher lâaction publique pour la rĂ©pression des infractions est limitĂ©e et rĂ©servĂ©e au procureur de la RĂ©publique et aux victimes de lâinfraction dĂ©noncĂ©e. Ce principe connaĂźt nĂ©anmoins dĂ©sormais de multiples exceptions, instituĂ©es par le lĂ©gislateur et marquĂ©es par une grande hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ©.  Certaines associations ne pourront ainsi agir que par voie dâexception, aprĂšs avoir reçu lâaccord de la victime ou Ă condition dâavoir prĂ©alablement obtenu un agrĂ©ment. Les procĂ©dures dâoctroi et de renouvellement de ces agrĂ©ments Ă©tant elles-mĂȘmes variables, il en rĂ©sulte un manque de lisibilitĂ© qui a conduit la commission des lois à se saisir du sujet par la crĂ©ation dâune mission dâinformation.
Cette mission dâinformation flash, confiĂ©e par la commission des lois Ă M. Bruno Questel (LaREM, Eure) et Mme CĂ©cile Untermaier (Socialistes et apparentĂ©s, SaĂŽne-et-Loire), se concentrera sur les conditions dâagrĂ©ment des associations pour agir en justice. A LIRE ICI
2. Lâart et la stratĂ©gie de la citation directe
Vingt-cinq ans aprĂšs la premiĂšre plainte, les victimes de lâamiante espĂšrent toujours un procĂšs et ont recours la citation directe.
Cette procĂ©dure, annoncĂ©e il y a plus de deux ans par Ăric Dupond-Moretti â alors avocat de lâArdeva (association rĂ©gionale de dĂ©fense des victimes de lâamiante) â mais qui nâa toujours pas Ă©tĂ© engagĂ©e, permet de saisir directement le tribunal sans passer par une instruction pĂ©nale, Ă charge pour les plaignants de collecter et de prĂ©senter les Ă©lĂ©ments de preuve Ă lâaudience.
Cette citation directe a Ă©tĂ© annoncĂ©e comme publiquement prĂ©sentĂ©e le 23 octobre Ă Dunkerque lors dâun rassemblement et sera par la suite dĂ©posĂ©e auprĂšs du tribunal de Paris. Antoine Vey espĂšre « que le tribunal audiencera ce procĂšs dans des dĂ©lais normaux » que « tout Français est en droit dâavoir », soit entre 18 et 24 mois, a-t-il affirmĂ© lors de lâassemblĂ©e. A LIRE ICI
3. La justice : rapports et préconisations
Dâabord, le rapport de la Cour des Comptes « AmĂ©liorer la gestion du service public de la justice »
La Cour publie des notes faisant partie dâun ensemble de travaux menĂ©s sur plusieurs grandes politiques publiques, qui identifient Ă la fois les principaux dĂ©fis auxquels seront confrontĂ©s les dĂ©cideurs publics au cours des prochaines annĂ©es, et les leviers susceptibles de les relever. Dans le prolongement du rapport « Une stratĂ©gie de finances publiques pour la sortie de crise », remis en juin dernier au PrĂ©sident de la RĂ©publique et au Premier ministre, cette sĂ©rie de publications permet Ă la Cour de sâexprimer sur des sujets structurels. Avec ces notes Ă visĂ©e pĂ©dagogique, la Cour se place au cĆur de sa mission dâinformation des citoyens, Ă un moment dĂ©mocratique clĂ©. A LIRE ICI ainsi que LAÂ
La justice judiciaire bĂ©nĂ©ficie, depuis plusieurs annĂ©es, dâĂ©volutions destinĂ©es Ă amĂ©liorer la rĂ©ponse apportĂ©e aux citoyens. Son budget a augmentĂ© de 22% entre 2011 et 2021. A LIRE ICI
Pourtant, les dĂ©lais de traitement des affaires civiles se dĂ©tĂ©riorent, le stock des dossiers en attente augmente et les Ă©volutions portĂ©es par la loi de programmation de la justice pour les annĂ©es 2018-2022 peinent Ă se mettre en oeuvre. Trois rĂ©formes sâimposent Ă court terme pour rĂ©pondre Ă ces faiblesses structurelles : la carte des cours dâappel doit ĂȘtre modifiĂ©e et leur nombre rĂ©duit ; la justice doit se doter dâoutils dâĂ©valuation de la charge de travail et amĂ©liorer la rĂ©partition des effectifs ; enfin, le ministĂšre de la Justice doit rattraper le retard considĂ©rable accumulĂ© en matiĂšre de transformation numĂ©rique.
Ensuite, le rapport sur les dysfonctionnements du service de la justice
Rapport au Parlement 2021 pour lâannĂ©e 2020 en exĂ©cution de l’article 22 de la loi organique n°2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, Ă la formation et Ă la responsabilitĂ© des magistrats. Le prĂ©sent rapport a pour objet dâexposer, au titre de lâannĂ©e civile 2020, les actions en responsabilitĂ© engagĂ©es contre l’Ătat du fait du fonctionnement dĂ©fectueux du service de la justice. Il prĂ©sente les dĂ©cisions dĂ©finitives condamnant l’Ătat Ă ce titre, devant les juridictions judiciaires internes (1) et la Cour europĂ©enne des droits de lâHomme (2), ainsi que les suites rĂ©servĂ©es Ă ces dĂ©cisions (3). Le contentieux est traitĂ©, au sein du ministĂšre de la justice, par le secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral qui dispose Ă cette fin dâune sous-direction des affaires juridiques dĂ©diĂ©e, dont lâun des bureaux traite des contentieux judiciaire et europĂ©en. LIRE ICIÂ
à mettre en perspective avec, entre autres, le féminicide de Mérignac :
A LIRE ICI ainsi que LA
Enfin la question rĂ©currente de la prĂ©somption dâinnocence
Le groupe de travail sur la prĂ©somption dâinnocence prĂ©sidĂ© par Ălisabeth Guigou, ancienne ministre de la Justice, et installĂ© en mai 2021 par Ăric Dupond-Moretti, actuel garde des Sceaux lui a remis son rapport. A LIRE ICI
Ăric Dupond-Moretti avait confiĂ© au groupe de travail la mission de dresser un Ă©tat et une analyse des atteintes portĂ©es au principe constitutionnel de la prĂ©somption dâinnocence dans notre sociĂ©tĂ© contemporaine, afin de faire des propositions utiles sur les moyens lĂ©gislatifs, rĂ©glementaires ou pratiques susceptibles de mieux en assurer le respect.
La prĂ©somption dâinnocence, dont bĂ©nĂ©ficie toute personne suspectĂ©e ou poursuivie tant que sa culpabilitĂ© n’a pas Ă©tĂ© lĂ©galement Ă©tablie, est un principe juridique consacrĂ© en Europe et dans le monde par de nombreux textes, conventions et traitĂ©s (la DĂ©claration universelle des droits de lâhomme, la Convention de sauvegarde des Droits de lâhomme et des libertĂ©s fondamentales, la Charte des droits fondamentaux de lâUnion europĂ©enneâŠ). En France, ce principe a Ă©tĂ© rĂ©affirmĂ© par la loi du 15 juin 2000 portĂ©e par Ălisabeth Guigou renforçant la protection de la prĂ©somption dâinnocence et le droit des victimes, venue complĂ©ter lâarticle 9 de la DĂ©claration des droits de lâhomme et du citoyen et lâarticle 9-1 du code civil.
La prĂ©somption dâinnocence reste pour autant complexe Ă appliquer car elle sâarticule avec le respect dâautres principes fondamentaux tels que la libertĂ© dâexpression, les droits des victimes, les droits de la dĂ©fense ou encore le secret de lâenquĂȘte et de lâinstruction.
Le groupe de travail composĂ© de 13 membres magistrats, avocats, journalistes, enquĂȘteurs a procĂ©dĂ© Ă lâaudition de plus de 80 personnes et a bĂ©nĂ©ficiĂ© de nombreuses contributions Ă©crites venues dâhorizons variĂ©s.
Ce rapport recense 4 pistes de réflexions permettant de décliner 40 propositions visant à renforcer la prévention des atteintes :
– LâĂ©ducation des citoyens aux grands principes du droit et au fonctionnement de la justice ;
– La formation des acteurs de la justice et des professionnels en lien avec lâinstitution judiciaire ;
– Le renforcement de la communication de la justice sur son fonctionnement et son action ;
– Lâadaptation du dispositif civil et pĂ©nal Ă lâinflation des atteintes, notamment lorsquâelles sont commises sur internet.
Pour Ăric Dupond-Moretti « ces propositions dâune trĂšs grande qualitĂ© constituent une base solide pour susciter un vĂ©ritable dĂ©bat dans lâensemble de la sociĂ©tĂ© et nourrir les travaux qui seront dĂšs la semaine prochaine engagĂ©s dans le cadre des Ătats gĂ©nĂ©raux de la justice. »
III â Victimologie
1.Le guide pratique « Justice et handicap »
Les professionnels du droit doivent ĂȘtre formĂ©s Ă lâaccessibilitĂ©. Cette approche leur permettra de recevoir tous les publics sans discrimination dans les meilleures conditions. Contrairement Ă une idĂ©e reçue, les personnes en situation de handicap ne disposent pas dâinterlocuteurs spĂ©cifiques pour connaĂźtre et faire valoir leurs droits. Il incombe donc Ă tout un chacun de se sentir concernĂ©.
Lecture indispensable : A LIRE ICI
 2. Alex la tempĂȘte un an aprĂšs
- Hommages et émotions :
3. Lâarticle 88 du code civil
« Peut ĂȘtre judiciairement dĂ©clarĂ©, Ă la requĂȘte du procureur de la RĂ©publique ou des parties intĂ©ressĂ©es, le dĂ©cĂšs de tout Français disparu en France ou hors de France, dans des circonstances de nature Ă mettre sa vie en danger, lorsque son corps n’a pu ĂȘtre retrouvĂ©.
Peut, dans les mĂȘmes conditions, ĂȘtre judiciairement dĂ©clarĂ© le dĂ©cĂšs de tout Ă©tranger ou apatride disparu soit sur un territoire relevant de l’autoritĂ© de la France, soit Ă bord d’un bĂątiment ou aĂ©ronef français, soit mĂȘme Ă l’Ă©tranger s’il avait son domicile ou sa rĂ©sidence habituelle en France.
La procĂ©dure de dĂ©claration judiciaire de dĂ©cĂšs est Ă©galement applicable lorsque le dĂ©cĂšs est certain mais que le corps n’a pu ĂȘtre retrouvĂ©. »
4. Du cÎté des assureurs
5. Le rapport de La Commission indĂ©pendante sur les abus sexuels dans lâĂglise (CIASE)
Ce rapport est un sĂ©isme pour lâĂglise, le JAC aura lâoccasion de lâanalyser plus amplement.
Nous reproduisons lâavant-propos :
« Avant-propos
Les violences sexuelles dans lâĂglise catholique
La Commission indĂ©pendante sur les abus sexuels dans lâĂglise (CIASE) a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e Ă lâinitiative de lâĂglise catholique en France avec quatre missions : 1/ faire la lumiĂšre sur les violences sexuelles en son sein depuis 1950; 2/ examiner comment ces affaires ont Ă©tĂ© ou non traitĂ©es ; 3/ Ă©valuer les mesures prises par lâĂglise pour faire face Ă ce flĂ©au ; 4/ faire toute recommandation utile.
La commission a Ă©tĂ© composĂ©e par son seul prĂ©sident, sans aucune interfĂ©rence extĂ©rieure. Elle a rĂ©uni des femmes et des hommes connus pour leurs compĂ©tences et leur impartialitĂ©, de toutes opinions et confessions. Elle a fixĂ© seule son programme de travail et disposĂ© librement dâun budget qui nâĂ©tait pas plafonnĂ©. Elle a accĂ©dĂ©, comme elle le souhaitait, aux archives de lâĂglise.
Pour sâacquitter de sa mission, elle a consultĂ© tous les experts qui pouvaient lâĂ©clairer et elle a passĂ© plusieurs contrats de recherche pour nourrir un Ă©tat des lieux aussi complet que possible, aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif.
La commission a entendu placer les victimes au cĆur de ses travaux. Ses membres ont Ă©coutĂ© de nombreuses personnes ayant subi des agressions, non comme des experts, mais comme des ĂȘtres humains acceptant de sâexposer et de se confronter personnellement et ensemble Ă cette sombre rĂ©alitĂ©. Par cette plongĂ©e, ils ont entendu assumer la part de commune humanitĂ©, ici blessĂ©e et douloureuse, que nous avons en partage. On ne peut en effet connaĂźtre et comprendre le rĂ©el tel quâil est, et en tirer les consĂ©quences, si lâon nâest pas capable de se laisser soi-mĂȘme toucher par ce que les victimes ont vĂ©cu : la souffrance, lâisolement et, souvent, la honte et la culpabilitĂ©. Ce vĂ©cu a Ă©tĂ© la matrice du travail de la commission.
Une conviction sâest imposĂ©e au fil des mois : les victimes dĂ©tiennent un savoir unique sur les violences sexuelles et elles seules pouvaient nous y faire accĂ©der pour quâil puisse ĂȘtre restituĂ©. Câest par consĂ©quent leur parole qui sert de fil directeur au rapport de la commission. Ces personnes Ă©taient victimes, elles sont devenues tĂ©moins et, en ce sens, acteurs de la vĂ©ritĂ©. Câest grĂące Ă elles que ce rapport a Ă©tĂ© conçu et Ă©crit. Câest aussi pour elles, et pas seulement pour nos mandants, quâil lâa Ă©tĂ©. Câest sur cet Ă©change singulier et invisible quâil a Ă©tĂ© construit, sans que tout cela ait Ă©tĂ© aussi clairement pensĂ© Ă lâavance.
Au demeurant, si la chape de silence recouvrant les forfaits commis a fini par se fissurer, ĂȘtre fracturĂ©e et susciter une onde de choc et de soutien dans lâopinion, on le doit au courage des personnes victimes qui, surmontant leurs souffrances, ont pris sur elles, en dĂ©pit de multiples obstacles, de dire ce qui leur Ă©tait arrivĂ© dans un cercle intime, puis auprĂšs des responsables concernĂ©s et enfin Ă la justice et au public. Sans leur parole, notre sociĂ©tĂ© serait encore dans lâignorance ou le dĂ©ni de ce qui sâest passĂ©.
Le rapport de la commission est donc imprĂ©gnĂ© de lâexpĂ©rience singuliĂšre, souvent bouleversante, de la rencontre et de la reconnaissance des personnes ayant subi des violences sexuelles. Ce long cheminement a Ă©tĂ© Ă©prouvant pour beaucoup de victimes, en ravivant de profondes douleurs : de cela, la commission est intensĂ©ment consciente. Il nâa pas non plus laissĂ© indemnes ses membres et, plus largement, toutes celles et ceux qui ont travaillĂ© avec la commission. Ces personnes ont ressenti une profonde charge Ă©motionnelle, elles ont Ă©tĂ© bouleversĂ©es, souvent blessĂ©es ou rĂ©voltĂ©es, et elles sont sorties de cette traversĂ©e Ă la fois changĂ©es et plus soucieuses encore dâĂȘtre Ă la hauteur de la confiance reçue.
Au terme de son travail, la commission a dressĂ© un Ă©tat des lieux des violences sexuelles dans lâĂglise qui est particuliĂšrement sombre. Le nombre des victimes mineures de clercs, religieux et religieuses dans la population française de plus de 18 ans est en effet estimĂ© Ă environ 216 000. Si ces violences ont dâabord baissĂ© en valeur absolue et relative jusquâau dĂ©but des annĂ©es 1990, elles ont cessĂ© depuis lors de dĂ©croĂźtre. LâĂglise catholique est, hormis les cercles familiaux et amicaux, le milieu oĂč la prĂ©valence des violences sexuelles est la plus Ă©levĂ©e.
Face Ă ce flĂ©au, lâĂglise catholique a trĂšs longtemps entendu dâabord se protĂ©ger en tant quâinstitution et elle a manifestĂ© une indiffĂ©rence complĂšte et mĂȘme cruelle Ă lâĂ©gard des personnes ayant subi des agressions.
Si, depuis 2000 et, plus encore 2016, elle a pris des dĂ©cisions importantes pour prĂ©venir les violences sexuelles et les traiter efficacement, ces mesures ont Ă©tĂ© souvent tardives et inĂ©galement appliquĂ©es. Prises en rĂ©action aux Ă©vĂšnements, elles sont apparues Ă la commission comme globalement insuffisantes. Au fil dâun diagnostic serrĂ© sur tout ce qui, au sein de lâĂglise catholique, a pu favoriser les violences sexuelles et faire obstacle Ă leur traitement efficace, la commission prĂ©sente 45 recommandations qui couvrent un trĂšs large spectre allant de lâaccueil et de lâĂ©coute des victimes Ă la rĂ©forme du droit canonique, Ă la reconnaissance des infractions commises, quâelles soient ou non prescrites, et Ă lâindispensable rĂ©paration du mal fait. Sans sâĂ©lever audessus de sa condition, la commission propose des mesures sur les questions de thĂ©ologie, dâecclĂ©siologie et de morale sexuelle parce que, dans ces domaines, certaines interprĂ©tations ou dĂ©naturations ont, selon elle, favorisĂ© abus et dĂ©rives. Elle fait aussi des propositions dans les domaines de la gouvernance de lâĂglise, de la formation des clercs, de la prĂ©vention des abus et de la prise en charge des agresseurs.
Face Ă tant de drames anciens ou rĂ©cents, la commission estime quâil ne peut ĂȘtre question de « tourner la page ». Lâavenir ne peut se construire sur le dĂ©ni ou lâenfouissement de ces rĂ©alitĂ©s douloureuses, mais sur leur reconnaissance et leur prise en charge. Il est essentiel de rendre rĂ©ellement justice aux femmes et aux hommes qui, au sein de lâĂglise catholique, ont dans leur chair et leur esprit souffert de violences sexuelles. Par consĂ©quent, tout doit ĂȘtre entrepris pour rĂ©parer, autant quâil est possible, le mal qui leur a Ă©tĂ© fait et les aider Ă se reconstruire. Pour Ă©radiquer aussi le terreau des abus et de leur impunitĂ©. Cette dĂ©marche ne peut pas Ă©luder une humble reconnaissance de responsabilitĂ© de la part des autoritĂ©s de lâĂglise pour les fautes et les crimes commis en son sein. Elle implique, Ă la hauteur de ce mal, un chemin de contrition qui ne peut pas ĂȘtre conçu et parcouru en quelques jours ou semaines.
AprĂšs ce qui sâest passĂ©, il ne peut y avoir dâavenir commun sans un travail de vĂ©ritĂ©, de pardon et de rĂ©conciliation, et cela vaut pour lâĂglise comme pour les institutions civiles. La commission a cherchĂ© Ă contribuer au travail de vĂ©ritĂ©. Câest Ă lâĂglise de sâen emparer et de le poursuivre, afin de retrouver la confiance des chrĂ©tiens et le respect de la sociĂ©tĂ© française dans laquelle elle a tout son rĂŽle Ă jouer. Il est impĂ©ratif de rĂ©tablir une alliance qui a Ă©tĂ© durement mise Ă mal. Câest le vĆu quâavec mes collĂšgues je forme ».
 Jean- Marc Sauvé
PrĂ©sident de la Commission indĂ©pendante sur les abus sexuels dans lâĂglise
A LIRE ICI « DE VICTIMES A TEMOINS »
6. Le rapport annuel du ministĂšre public
LĂ encore, lâavant-propos sous la plume dâOlivier Christen, Directeur des affaires criminelles et des grĂąces, est Ă©clairant.
 « Le rapport annuel du ministĂšre public 2020 sâinscrit dans le contexte tout Ă fait inĂ©dit dâune crise sanitaire qui perdure encore Ă ce jour. Il rend compte de lâactivitĂ© dâune annĂ©e exceptionnelle Ă bien des Ă©gards, qui a bouleversĂ© la vie des juridictions.
Le mouvement de grĂšve des avocats a nĂ©cessitĂ© une adaptation judiciaire dans un climat parfois difficile. La dĂ©claration de lâĂ©tat dâurgence sanitaire, lâinstauration dâun confinement, la fermeture des Ă©coles et lâactivation des plans de continuation dâactivitĂ© ont profondĂ©ment pesĂ© sur les personnels de la justice, contraints de repenser dans lâurgence leur organisation afin de rĂ©pondre au mieux aux attentes des justiciables. Cette pĂ©riode difficile a mis Ă lâĂ©preuve nos pratiques et tĂ©moigne Ă nouveau, en dĂ©pit des critiques qui ont pu ĂȘtre formulĂ©es, du sens des responsabilitĂ©s, de lâengagement et des grandes facultĂ©s dâadaptation du ministĂšre public.
MalgrĂ© ces crises, les juridictions ont relevĂ© le dĂ©fi de lâentrĂ©e en vigueur du « bloc peines ». La mobilisation des parquets sâest en 2020 portĂ©e en prioritĂ© sur la lutte contre les violences et les homicides conjugaux, les trafics de stupĂ©fiants, la dĂ©linquance dâopportunitĂ©, les atteintes aux forces de lâordre ou encore sur le dĂ©veloppement de la justice de proximitĂ© engagĂ© dĂšs le dernier trimestre de lâannĂ©e. Ces thĂ©matiques qui tĂ©moignent de votre travail au quotidien sont dĂ©veloppĂ©es dans ce rapport annuel avec le double objectif de valorisation de lâinvestissement des ressorts dans la mise en oeuvre de ces politiques pĂ©nales dâune part, dâanalyse des pistes dâamĂ©lioration dâautre part. Attentif Ă vos besoins dâoutils pratiques dans la conduite de lâaction publique, jâai souhaitĂ© cette annĂ©e moderniser le rapport annuel du ministĂšre public dans un format plus dynamique. Les synthĂšses des diffĂ©rentes thĂ©matiques seront prochainement mises en ligne sur le wiki DACG afin de regrouper toute la ressource relative Ă un mĂȘme contentieux pour un accĂšs simplifiĂ© Ă la documentation. Sâagissant des pratiques innovantes relevĂ©es dans les juridictions, que vous retrouvez comme chaque annĂ©e dans les encarts dĂ©diĂ©s, certaines font dĂ©jĂ ou feront lâobjet dâun article intranet au titre des bonnes pratiques.
Les rapports que vous nous transmettez reprĂ©sentent un intĂ©rĂȘt majeur pour la direction des affaires criminelles et des grĂąces. Je souhaite que ce RAMP constitue pour vous un document de rĂ©fĂ©rence et que son apport soit Ă la mesure de votre investissement dans la rĂ©daction de vos contributions ».
IV â Chronique du Vendredi-13
Cette chronique nâa pas vocation Ă ĂȘtre exhaustive. Elle est une contribution subjective, un regard dĂ©calĂ©. Tous les grands mĂ©dias couvrent largement au quotidien et au long cours ce procĂšs de la barbarie et de lâeffroi.
Numéro 2 et 3
Chronique du Vendredi 13, numéro 2 (semaine 2) :
Numéro 2 (Semaine 2)
#attentats #Bataclan #attentats13novembre
Le train de 5 heures mâarrache Ă la belle et douce Montpellier.
Un film projette en salle dâaudience trois supporters du Bayern de Munich. 21H05 : Marche Ă pas longs, dĂ©contractĂ©s, vers les portes du stade de France.
A partir de ce moment précis, vendredi 13 novembre 2015, toutes les cinq minutes, le sang de Paris coulera sous les assauts de neuf bombes humaines. 21h16 : Ahmad El Mohammad explose porte D. Sa folie meutriÚre emporte le pauvre Manuel Colado Dias qui buvait tranquillement un café aprÚs avoir conduit des supporters.
21H20 : Mohammad Almahmad explose et sâĂ©parpille porte H.
Au mĂȘme moment, le « groupe Omar » Abdelhamid Abaaoud, Chakib Akrouh et Brahim Abdeslam fusillent Paris.
21H24 : 13 morts, des dizaines de blessés au bar le Carillon et au restaurant le Petit Cambodge.
21H26 : 5 morts, des dizaines de blessés au café la Bonne BiÚre et au restaurant Casa Nostra.
21H36 : 21 morts, des dizaines de blessés au restaurant la Belle Equipe.
21H41 : Ibrahim Abdeslam explose au restaurant Comptoir Voltaire. Les deux autres sâenfuient.
21H47 : le Bataclan, rempli de 1500 amoureux de rock, est fusillé par le « groupe français », Samy Amimour, Foued Mohamed Aggad et Ismaël Omar Mostefaï). 90 morts, plusieurs centaines de blessés.
A 21h53 : au stade de France, La troisiÚme bombe humaine du « groupe Irakien » Bilala Hadfi se dirige vers la porte G, hésite et choisi le Mac Do, refuge de plusieurs personnes aprÚs les deux premiÚres explosions.
Le match commencĂ© Ă 21h15, se jouera jusquâĂ la fin.
22H14 : les deux mitrailleurs du commando des terrasses sautent au-dessus de la barriĂšre de la station de mĂ©tro Croix de Chavaux. Ligne 9. Sur la vidĂ©o diffusĂ©e sur lâĂ©cran de la salle dâaudience, ce sont des passagers des lignes sous-terraines de mon quotidien. CapuchĂ©s dâun sweet shirt, survĂȘtement et chaussures de sport. Ils sont sereins. Des voyageurs sans soucis. Ils venaient dâassassiner 39 hommes, femmes, dâen blesser une centaine. Leurs complices poursuivaient le carnage dans le Bataclan.
Ils ne savaient pas que le 18 novembre 2015, ils mourraient eux aussi dans lâappartement de Jawad Bendaoud.
Nous suivons ainsi le parcours des terroristes exposĂ© par le CarrĂ©, symĂ©trique, et ordonnĂ© commissaire de la SDAT. EnquĂȘte « totale » et « internationale » contre « ampleur « et « sophistication » des attentats. Les vehicules laissĂ©s sur place. LouĂ©s en Belgique. GĂ©olocalisĂ©s. Les contrats de location dans la boite Ă gants. Des GPS avec les adresses. Des traces dâadn. Les documents dâidentitĂ© de Brahim Abdeslam. Un tĂ©lĂ©phone dans une poubelle. La ceinture explosive dĂ©fectueuse sur une barriere. Lâordinateur avec les fichiers. Il dĂ©cline la prĂ©paration minutieuse. LâarrivĂ©e des commandos de syrie. La location des planques. Les lignes dĂ©diĂ©es. 9 gilets explosifs. 6 fusils dâassaut. 5 couteaux de bouchers avec lame de 30 centimĂštres. Il conclut en chiffres. 1700 appels sur la ligne verte. 8000 fiches de renseignement. 4000 scellĂ©s. 5338 procĂšs verbaux Ă©tablis en 11 jours. Des miliers dâauditions. DâexĂ©cutions de commission rogatoire. 5 ans dâenquĂȘte. Le lendemain, dans une douce rondeur dĂ©bordant dâhumanitĂ©, la juge dâinstruction belge est intarissable. Elle sâest assise confortablement devant le micro, et lĂ âŠjâai compris que je ne sortirai pas de la salle dâaudience avant 21h, au mieux…Revue des lignes tĂ©lĂ©phoniques belges. Des voyages en syrie des kamikazes. Le bar les Beguines Ă Molenbeeck, propriĂ©tĂ© des frĂȘres Abdeslam. Entre amis, dans lâarriĂȘre salle, ils projetaient des vidĂ©os. Les « exploits » dâAbdelhamid Abaaoud, des tĂštes de « mĂ©crĂ©ants » accrochĂ©es Ă son pick up⊠Le pilote jordanien brulĂ© vif dans une cage, sur laquelle on reconnaitrait lâun des accusĂ©s, (Omar Krayem)âŠIl est question de lâattentat du Thalys, de lâaĂ©roport de Zaventen, du rĂ©seau de faux documents « Catalogue »âŠ
Finalement, elle reviendra.
Les enquĂȘteurs dĂ©filent. Chacun sa scĂȘne de crime. Stade de france. Petit cambodge. Carillon.La Bonne Biere. Casa Nostra. Comptoir Voltaire. Bataclan. Ils dĂ©posent, accrochĂ©s Ă la barre de la salle dâaudience, sous anonymat ou pas. On admire le courage exemplaire dont ils ont du sâarmer pour accomplir leur travail. Enfouir leur humanitĂ© au plus profond dâeux. La cadenasser. Ne pas ĂȘtre submergĂ©. Supporter les tĂ©lĂ©phones qui sâagitent, carillonnent , vibrent dans les poches des corps morts, sur le sol dĂ©trempĂ© Ă©carlate.
21h30- Passage des contrĂŽles pour sortir du palais. Rejoindre le mĂ©tro. ArrĂȘt Franklin Roosevelt. Couper cette semaine pour respirer Paris. Le voilĂ ! lâarc de triomphe emballĂ©. Magnifique oeuvre dâart de lâartiste dĂ©cĂ©dĂ© (Christo). Il est tard. Quelques efforts pour boire un peu de cette culture française qui autorise lâart, et crĂ©e le dĂ©bat. La magie nâopĂšre pas. Lâimage des accusĂ©s installĂ©s par ordre alphabetique dans les deux box. les flots dâĂ©motions. Tout est lĂ sur les Champs ĂlysĂ©es. Je ferme les yeux.
Un film muet remplit la cours dâassises. LâenquĂȘteur nous a prĂ©venu.« Ce que vous allez voir est dâune extrĂȘme violence ». Les camĂ©ras de surveillance parisiennes nâont rien ratĂ©. On est devant le bar la Bonne BiĂšre. AccrochĂ©s Ă nos siĂšges. PrĂ©parĂ©s au pire. TĂȘte baissĂ©e pour traverser le mur de lâhorreur. La terrasse est animĂ©e de discussions, de rires, de boissons. Les terroristes surgissent en noir et blanc sur le grand Ă©cran de la salle dâaudience. Kalashnikov Ă la main. Les corps giclent, se tordent, sâeffondrent dans des mouvements aveugles et saccadĂ©s. Tables, verres, vitrines explosent. Un vĂ©hicule vide apparait sur lâĂ©cran, avance lentement, butte contre le trottoir, et rebondit. Un passant sâenfuit. Puis on est Ă lâintĂ©rieur de la pizzĂ©ria Casanostra. La camĂ©ra de lâĂ©tablissement a capturĂ© lâimage du terroriste. Tirs en continus en noir et blanc. Pointe lâarme vers le sol. Vise sa proie. Une Ă©ternitĂ© et rienâŠIl fait demi tour et part. Un miracle Ă la chevelure blonde se lĂ©ve et cours loin.
Un enquĂšteur Ă©touffe un sanglot. il Ă©tait vissĂ© Ăą son professionnalisme pour garder sa raison. Accomplir les actes que lâon attend de lui: constater, recueillir les traces et indices, dans le sang, les os, les dents, les chairs, les corps enchevĂȘtrĂ©s, dĂ©chiquetĂ©s par les balles, figĂ©s par la mort.
Les difficultĂ©s dâidentification des corps sans visage. Certains traversĂ©s par 12 balles, ou 16 balles, ou 32 balles de rage meurtriĂšre.
Certains portent encore en eux les sĂ©quelles des erreurs. CulpabilitĂ© douloureuse, palpable. RĂ©miniscence des larmes et les cris des parents, dĂ©couvrant un corps qui nâest pas celui de leur enfant. Chacun a fait de son mieux.
Reprise dâaudience. Dans le Bataclan, pas de camĂ©ra de surveillance. Un dictaphone Olympus se trouvait lĂ , en mode enregistrement. Le concert puis lâattaque. LâidĂ©e dâun spectateur de garder un souvenir en bravant lâinterdit. Le cauchemard y sera gravĂ© et placĂ© sous scellĂ©s. La chanson « kiss of devil » commence et on entend 36 secondes de Rafales, puis coup par coup puis rafale. LâenquĂȘteur arrĂȘte la diffusion. Il rĂ©pĂšte quelques invectives et ordres des terroristes. « Debout! Assis! je tâavais dit de te lever! » Coup de feu! Coup de feu! Coup de feu! Des exĂ©cutions. Les crĂąnes explosent. Les corps sâempilent. LâenquĂȘteur ne diffusera pas les 2h30 dâenregistrement au cours desquels les amoureux de rock mourraient dans les hurlements des terroristes.
Les photos de lâaprĂšs projetĂ©es tĂ©moignent de la panique. Des traces de tentative de fuite de certains. Chasse de toilettes arrachĂ©s, faux plafond crevĂ©, laine de verre tirĂ©e. Regagner les combles, passer par les toits, sâentasser dans les toilettes, dans des placard, trouver un trou pour se cacher, atteindre une sortie de secours.
Sous la lumiĂȘre puissante et glaciale des spots de la salle de spectacle, des corps emmĂȘlĂ©s, des morceaux dâhumains, dâos, le sang, ne laissant plus percevoir la couleur du sol. Et puis les corps des terroristes Ă©parpillĂ©s quâil fallait reconstituer.
LâenquĂȘteur trĂšs emu explique ses constatations. Et encore les problĂšmes dâidentification. Il se dĂ©fend un peu. Son mĂ©tier, ce nâest pas lâidentification. Douloureux constat dâimpuissance. Il est intervenu Ă partir de 5 h du matin aprĂšs les secours, aprĂšs le raid. Bien sĂ»r, il a fait ce quâil a pu, et mĂȘme au delĂ . Il aurait voulu faire plus, mieux, plus viteâŠ
Jâentends la souffrance de ces enquĂȘteurs. hommes de terrains, directement confrontĂ©s la mort en masse. Il y a ceux qui viennent Ă lâaudience. Mais il y a aussi tout les autres. JâespĂšre quâils ont bĂ©nĂ©ficiĂ© dâune prise en charge psychique Ă la hauteur de ce traumatisme perceptible et actuel. Ils ne doivent pas ĂȘtre les oubliĂ©s comme tout les primo-intervenants. EcartelĂ©s entre les demandes des proches et les ordres de leur hiĂ©rarchie.
A la suspension, une victime mâinterpelle. « Je nâai jamais rĂ©cupĂ©rĂ© mes affaires. Je nâarrive pas Ă savoir oĂ» elles sont! » Elle est perdue⊠Elle nâa mĂȘme pas trente ans. « ils ne montrent rien! Câest horrible ce quâon a vĂ©cu. Vous ne pouvez pas vous rendre compte⊠Il faut que dans le box, ils comprennent. Il faut que la Cour comprenne»âŠSentiment de frustration . Peur de ne pas ĂȘtre comprise et entendue. Peur de ne pas obtenir justice. Une telle horreur, aucun mot, aucune image, aucun son ne peut la restituer.
Je repars Ă Montpellier. Me lover dans lâ accent du sud rĂ©confortant. Les sons et les images en tĂȘte. Le violon retrouvĂ© dans son Ă©tuis sur une chaise de la Bonne BiĂšre. Le violoniste nâest plus. Lâimage de cette jeune femme morte accrochĂ©e Ă sa valise. Pour son voyage sans retour. Dâautres tenant leur sac Ă main. Lâhomme tuĂ© par une balle entrĂ©e par sa fenĂȘtre au premier Ă©tage, dĂ©couvert le lendemain par des sapeurs pompiers. On nâavait plus de nouvelle. Il est nommĂ© de façon horrible « victime collatĂ©rale ». Il sâappelait StĂ©phane. Le lendemain aussi, un autre StĂ©phane est dĂ©couvert, laissĂ© sous une couverture de survie dans le local administratif du Bataclan. Et la fosse du Bataclan devenue commune pour un tempsâŠCâest dans cette fosse que les victimes que nous reprĂ©sentons avec Claude, se trouvaient.
Chronique du Vendredi 13
Numéro 3 (Semaine 3)
#attentats #Bataclan #attentats13novembre
Les cévenoles ont eu raison de ma ligne  de train. Fini le TGV Montpellier Paris en 3H30! Rejoindre la gare Sud de France à 5 heures du matin. Errer dans des couloirs vides.
Jâarrive toujours tĂŽt devant le palais. Jây retrouve la longue barbe grise de Philippe. ProtĂ©gĂ© par son cordon rouge, il vient Ă chaque audience. Ecouter, observer, comprendre, sans forcĂ©ment sâexprimer. La pĂ©tille de ses yeux a survĂ©cu aux attaques meurtriĂšres.
Certaines parties civiles viennent ainsi au quotidien. Peut ĂȘtre dans lâespoir de retrouver la partie dâeux mĂȘme restĂ©e dans lâattentat. Dâautres vivent le procĂšs Ă domicile, derriĂšre la web radio, systĂšme innovant mis en place par la Cour dâassises. Beaucoup fuient le procĂšs et laissent leurs avocats sâoccuper de tout. Certaines viendront dĂ©poser.  Et Il y a toutes les autres. Toutes les victimes non constituĂ©es. Chacune est singuliĂšre. Leur lien sâest dâabord construit autour des lieux. Il sâest ensuite resserrĂ© par le vĂ©cu commun de lâattentat. Une souffrance partagĂ©e, une comprĂ©hension, une empathie, et un respect rĂ©ciproque.
Lâaudience reprend sur la  terrasse de la Belle Ăquipe. Une enseigne Ă lâimage du lieu. Une Ă©quipe! Des liens forts. Ce soir lĂ , câĂ©tait la fĂȘte. Lâanniversaire dâ Hodda, la directrice. Une photographie des 13 victimes fusillĂ©es allongĂ©es au sol sous des draps colorĂ©s est projetĂ©e en 4 par 3. Puis le film de lâentrĂ©e dâIbrahim Abdeslam dans le comptoir Voltaire. CapturĂ© en noir et blanc par la camĂ©ra de lâĂ©tablissement. Un visage jeune. Sans expression particuliĂšre. Il avance entre les tables. Il explose en mille morceaux. Des personnes sâeffondrent. Je regarde rapidement son frĂȘre dans le box. Je ne perçois rien. Ses yeux sont fixes. Il est peut ĂȘtre fier de son frĂšre.
Chaque jour, je mâassois Ăą la mĂȘme place, au premier rang. En face, 14 accusĂ©s , prĂšs de 40 avocats, la crĂšme des avocats. Certains ont gagnĂ© le concours dâĂ©loquence organisĂ© Ă Paris. Lâexcellent Christian Saint Palais, adversaire redoutable dans le procĂšs des attentats de janvier 2015 et dans lâaffaire du mĂ©diator. Du cĂŽtĂ© des 2250 parties civiles constituĂ©es Ă ce jour, prĂšs de 400 avocats. A mes cĂŽtĂ©s, ils partageaient mon banc dans le procĂšs des attentats de janvier 2015. Samia Maktouf, le soleil dans la peau, un doux accent oriental. Mehana Mouhou, philosophe, dĂ©licat et bienveillant. Mais aussi, Didier Seban, crĂ©pitant dâintelligence, toujours pertinent.
Trois commissaires se succĂšdent. Loin du dossier papier. Ils viennent poser leur tripe Ă la barre. Emaillant leur rĂ©cit dâactes de bravoure accomplis face au danger. Pistolets automatiques contre Kalashnikov. Sens de la vie contre le goĂ»t de la mort.
Sans Ă©gard aux ordres, aux procĂšdures, aux risques, sauver des vie est lâimpĂ©rium. Le seul guide du commissaire de la BAC ce soir lĂ . Prise de service Ă 21h25. Il doit se rendre au stade de France. Des annonces fusent sur les ondes: fusillade Ă Bichat, fusillade Ă la fontaine au roi. Il bifurque, direction le coeur de Paris. Il pile devant le Bataclan. 1500 personnes sous les rafales. Les militaires de la force sentinelle immobiles en attente dâordres qui ne viendront pas. Lui seul  agit. Passer la porte dâentrĂ©e de la salle de concert. Un aller sans retour? Une masse arrive comme un animal Ă 20 tĂȘtes et 40 jambes qui dĂ©tale, le visage de terreur dâune femme en proue. Ce sont des survivants. Par lâencoignure de la porte, il perçoit un homme armĂ© dâun fusil dâassaut Ă lâĂ©tage.
Dans une simplicitĂ© toute naturelle, il partage ce vĂ©cu. Son coĂ©quipier est avec lui. Ils progressent Ă lâintĂ©rieur. Radio Ă©teinte. Un lourd silence Ă©pais et moite. Des corps entremĂ©lĂ©s dans la fosse, entassĂ©s par endroit sur un mĂȘtre de haut. Le goĂ»t Ăąpre de la poudre. Lâodeur aigre du sang . « Comment en si peu de temps ont-ils pu tuer tout le monde? ». A 25 mĂštres dâeux, un homme, mains sur la tĂȘte, commence Ă sâagenouiller aux pieds du terroriste qui le tient en joue. Peut ĂȘtre le seul survivant. Le commissaire respire. Prend appui sur un rebord. Stabilise son pistolet automatique. Vise prĂ©cisĂ©ment le corps. Ajuste. Tire. Six balles sortent des deux pistolets. Le terroriste vascille. Son gilet explose. Une pluie de confettis de chair et de sang recouvre la scĂšne. La jambe droite encore chaussĂ©e sâenvole sur un plot Ă gauche de la salle, la tĂȘte roule Ă droite de la scĂšne. Un bras, une main, un doigt sâĂ©parpillent. Lâotage lui, est sauf.
Une description sans emphase. Son retrait en arriĂšre. Des mains ensanglantĂ©es apparaissent entre les battants de la porte. Attraper ces mains et extraire des blessĂ©s. Aller chercher un petit garçon de 5 ans apeurĂ© sous le corps de ses parents. Sa fiertĂ© dâavoir ramenĂ© ses hommes vivants. Mais aussi, passant presque inaperçue, son impossibilitĂ© dĂ©sormais de sortir sans son arme de service. Ce nâest plus le mĂȘme homme. Il est partie civile et a bĂ©nĂ©ficiĂ© dâun statut dĂ©rogatoire pour dĂ©poser sous anonymat. Le commissaire et son Ă©quipier ont sauvĂ© de nombreuses vies. Leur dĂ©sobĂ©issance, leur sang froid, leur courage et leur professionnalisme leur vaudront  la lĂ©gion dâhonneur.
Au premier dans une petite piĂšce au bout sâun couloir, 50 otages, deux terroristes, deux gilets explosifs et deux kalashnikov. Un otage criait un numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone pour le « chef de la police ». Les terroristes voulaient un appel.
La BRI arrive sur place, prend la direction des opĂ©rations. Ils ne savent pas quâen bas, il nây a que des victimes. Ils nâont pas le numĂ©ro dâappel de lâotage. Ils nâont pas les plans du Bataclan. SĂ©curisation du bas. un terroriste pourrait se glisser parmi les victimes. Puis arracher un plan sĂ©curitĂ© incendie collĂ© au mur. Aller Ă lâĂ©tage.  Etablir le contact avec les terroristes. Mettre en oeuvre des nĂ©gociations. Les aller-retours, les tergiversations, les hĂ©sitations. Plus de deux heures plus tard, le prĂ©fet de Paris ordonne  lâassaut. Il est minuit dix-huit. Il faut composer la colonne. Les hommes de lâavant, face aux armes de guerre, engagent leur vie. Ils le savent et pourtant, aucune hĂ©sitation. Chacun accepte sa position. Contre lâusage, le commissaire lui mĂȘme entre dans la colonne, avec ses hommes. Ils avancent, derriĂšre le bouclier de 1,80 m de hauteur. Ils ont enfoncĂ© la porte. En tĂȘte, le policier trĂ©buche. Le bouclier tombe. Il continue quand mĂȘme face aux terroristes. Le courage chevillĂ© au coeur. Un terroriste est neutralisĂ©. Lâautre explose. Pour protĂ©ger la sortie des otages, un policier se couche sur la ceinture explosive encore intacte du deuxiĂšme terroriste. Tout ces hommes, anonymes, souvent pĂšres de famille, ont risquĂ© leur vie pour accomplir leur mission. Alors bien sĂ»r le dĂ©lai fut long, atroce pour les victimes. Certaines se vident de leur sang. Dâautres sâenfoncent dans une panique silencieuse. Chaque minute est une blessure supplĂ©mentaire. Le commissaire de la BRI finit son intervention sous une mitraille de question.  Lenteur de lâintervention, inutilitĂ© des nĂ©gociations, manque de coordination entre les services. Est ce quâils auraient pu mieux faire? Dans le « brouillard de la guerre » exprimĂ© par notre confrĂšre Thibault de Montbrial, personne nâavait de vision globale et personne ne comprenait ce quâil se passait. La rĂ©sultat est lĂ . Les 50 otages sont vivants. Alors, merci au nom des victimes que nous reprĂ©sentons et dont une a Ă©tĂ© transportĂ©e par trois policiers vers le point de tri des urgences. Lâaudience a pris lâhabitude de se prolonger aprĂšs 20h. Paris brille sous les lumiĂšres.
Un matin, les bancs des avocats cĂŽtĂ© parties civiles Ă©taient clairsemĂ©s. Les journalistes aussi ont dĂ©sertĂ© la salle des pas perdus. Les experts nâattirent pas les foules.
Sur lâĂ©cran, les schĂ©ma des  gilets explosifs. Un systĂšme « basic » avec des Ă©lĂ©ments vendus dans le commerce du coin pour un prix modique. Une confection simpliste. Lâallumage: un bouton poussoir. La source dâĂ©nergie: une pile 9 volt. Lâinitiateur, Lâexplosif:le tatp (mĂ©lange dâeau oxygĂ©nĂ©e, dâacĂ©tone et dâacide tel du citron) dans du plastiques de sacs poubelles. La mitraille: des Ă©crous de 6 mm. ArrangĂ© dans un gilet et scotchĂ©. Arme Ă portĂ©e du tous. Puis lâexpert ADN dĂ©veloppe ses conclusions. Il fait parler les cellules bavardes retrouvĂ©es dans les voitures, les armes, des appartements.
Lâimage dâun cadavre projetĂ©e par le mĂ©decin lĂ©giste sur lâĂ©cran de maniĂšre inattendue secoue la salle. Lâavocat voulait juste la confirmation que son client nâavait pas Ă©tĂ© torturĂ©. Manifestement, pour le professeur Ludes, Ă©minent scientifique, les images parlent mieux que les mots. Il  projette  le crĂąne, la colonne, le visage de face, la tĂȘte de profil. Les yeux clos, le teint blĂȘme dâun enfant malade, ce jeune homme sans vie semble endormi. Ce professeur est directeur de lâinstitut mĂ©dico-legal.  Les cadavres, les autopsies, son quotidien ont effacĂ© le filtre. Il a du rĂ©pondre des maladresses commises. On en a un exemple. La prĂ©sentation dâun corps pour un autre devant des parents Ă©crasĂ©s de douleur et dâincomprĂ©hension. La vitre qui sĂ©pare et Ă©loigne  les familles et leur dĂ©funt. La non restitution dâun corps dans des delais raisonnables. Le temps de prĂ©sentation des corps  aux familles parfois rĂ©duits Ă quelques minutes. LâimpossibilitĂ© de voir les corps non identifiĂ©s pour les parents Ă la recherche de leur enfant. Lola recherchĂ©e 7 jours par ses parents. Il essuies les griefs des parties civiles encore meurtries par lâinhumanitĂ© subie dans ces moments dâintense douleur.
Le temps de recherche dâun proche est un mĂ©lange dâangoisse, dâespoir, de peur, de tristesse et de douleur. Ce fardeaux nous a Ă©tĂ© confiĂ© par les parents et le frĂšre de Daniel. Sans nouvelle de lui suite Ă sa soirĂ©e au Bataclan, sans rĂ©ponse Ă leur question, un numĂ©ro vert sonnant dans le vide, Ils ont parcouru les hĂŽpitaux de Paris. Deux jours et deux nuits dâĂ©ternitĂ©, peuplĂ©s dâimages, de mort et de priĂšres.
A lâĂ©vocation de Lola, lâĂ©motion interrompt  les explications de la commissaire chargĂ©e de lâatelier victimes de la sous direction de la police judiciaire. Cette charge Ă©motionnelle tranche avec ses explications techniques sur lâInstruction interministĂ©rielle du 12 novembre 2015 ( relative Ă la prise en charge des victimes d’actes de terrorisme, la veille des attentats). Elle parlait de « gestion » des victimes, des « chiffres »: les  morts, les blessĂ©s, les « impliquĂ©s ». LâĂ©motion la noie dâhumanitĂ©.
 A lâĂ©coute, le terme « impliquĂ©s » nâĂ©voquait rien pour moi. Il dĂ©signe les auteurs et non les victimes. Dans son esprit, il sâagissait des victimes non blessĂ©es physiquement. Mot trĂšs mal choisi par LA RESPONSABLE de « lâatelier victime ».  La blessure psychique est certes invisible , mais elle existe. Reconnue en jurisprudence et en mĂ©decine comme gĂ©nĂ©ratrice de lourds handicaps chez les victimes souvent culpabilisĂ©es.  Blessure par les mots.
Les audios et les vidĂ©os sâemparent Ă leur tour de la salle dâaudience. Avant les attentats, des Anasheed pour donner aux terroriste du coeur Ă lâouvrage. Ces chants « religieux » envahissent lâespace sonore et sâimposent Ă nous. lâun « Tend ta main pour lâallĂ©geance »
Chant rythmĂ©, style rapp, mĂ©lodieux, avec les voix des frĂšres Clain, patrons de la cellule communication de lâEtat Islamique, de la propagande, et du djihad mĂ©diatique. Ils chantent avec douceur un concentrĂ© de haine rĂ©voltant sous forme de rimes. Le chant au service du crime: « Tue sans hĂ©sitationâŠFait les saignerâŠCoupe les tĂȘtesâŠAttaque les par surpriseâŠEgorge lesâŠachĂšve le dâune balle dans la tĂȘte »⊠Couplets, refrains, coupletâŠCela nâen finit pas.
Le lendemain des attentats, le 14 novembre les journaux de propagande de lâEtat Islamique  Dabiq et Dar el slam publient le « CommuniquĂ© sur lâattaque bĂ©nie de Paris contre la France croisĂ©e ». Lâanalyse du commissaire de la SDAT est sans appel. Le communiquĂ© est prĂ©parĂ© avant les attentats. Les attentats devaient ĂȘtre pâus meurtriers encore. Il est mentionnĂ© 8 terroristes, le 14/11 seuls 7 sont morts. Le bilan annoncĂ© est de 200 morts alors quâil y en a eu 130. Les cibles citĂ©s (stade de France, Bataclan, des terrasses et bar du les 10, 11 et 18 Ăšme arrondissement).Alors que le 18 Ăšme fut Ă©pargnĂ©.
La vidĂ©o de revendication publiĂ©e aprĂšs la mort des deux terroristes des terrasses est diffusĂ©e en salle dâaudience. Une affiche copiĂ©e sur le film Endgame, avec les visages des Kamikazes, le logo du rapp amĂ©ricain, un montage rĂ©alisĂ© avec soins. Elle emprunte, au cinĂ©ma dâaction, avec des effets spĂ©ciaux et des bruitages. Elle a les codes des jeux vidĂ©os, les viseurs rouges clignotant sur les cibles (ex: sur François Hollande).
Au son dâun anasheed, la liste des cibles du 13 novembre est exposĂ©e. Sâen suit un long discours dâun des terroristes. « Message aux mĂ©crĂ©antsâŠVous allez goĂ»ter Ă la terreurâŠNous sommes dĂ©jĂ chez vous pour vous Ă©gorger». Dans cette vidĂ©o macabre et terrifiante de 17 minutes, les kamikazes du 13 novembre, un Ă un, procĂ©dent Ă 7 exĂ©cutions (5 par dĂ©capitation et 2 au fusil) rĂ©alisĂ©es et filmĂ©es en Syrie avant les attentats. ScĂ©nario identique pour chacun. Lâ otage en orange Ă genoux. Le terroriste derriĂšre lui en tenue militaire couleur sable, un long couteau en main. Il le tient par les cheveux. Il prononce sa profession de foi. « Nous avons reçu lâordre. Nous allons venir chez vous vous Ă©gorgerâŠÂ». Le fait basculer et procĂšde Ă lâexĂ©cution. PremiĂšre Ă©tape du processus. Les images dĂ©filent. Les dĂ©capitations et executions filmĂ©es au ralentis sont expurgĂ©s de la vidĂ©o diffusĂ©e dans la cour dâassises. Le film de 20 minutes du jordanien brĂ»lĂ© vif, dans une cage dans lequel un des accusĂ© est reconnu nâest pas visionnĂ©e non plus.
Jâai une pensĂ©e pour les agents confrontĂ©s Ă lâobligation dâanalyser ces vidĂ©os. Une rude Ă©preuve pour lâĂ©quilibre psychique face aux violences, aux cruautĂ©s et mises Ă mort. Cette confrontation avec la mort mĂȘme indirecte nâest pas sans consĂ©quence.
Lâavocat gĂ©nĂ©ral relĂšve la volontĂ© de lâĂtat islamique, de corrompre les terroristes et de  sâassurer de la loyautĂ© de ses membres grĂ ce Ă ces vidĂ©os dâexĂ©cution. Impossible ensuite de reculer. Selon les propos du commissaire de la SDAT, seules les personnes mortes figurent sur les vidĂ©os. Lâavocat gĂ©nĂ©ral questionne encore. Si les « combattants », lors de leur passage en Syrie sont acteurs de vidĂ©os dâexĂ©cution pour un usage ultĂ©rieur, les accusĂ©s passĂ©s par la Syrie ont-ils tournĂ© des vidĂ©os avec des exĂ©cutions ? RĂ©ponse du commissaire : « Câest possible!»
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