Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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CHRONIQUE DU DOMMAGE CORPOREL, DU DROIT DES VICTIMES ET VICTIMOLOGIE, C. Lienhard et C. Szwarc

Claude LIENHARD,

Avocat spécialisé en droit du dommage corporel,
Professeur Émérite à l’Université de Haute-Alsace,
Directeur honoraire du CERDACC

et

Catherine SZWARC,

Avocate spécialisée en droit du dommage corporel

 


I – Droit du dommage corporel :

1- Toujours à la une : le « barème Macron »

Par un arrêt du 30 octobre 2019 (n°16/05602 A LIRE ICI) la cour d’appel de Paris, le 30 octobre 2019, s’est rangée à l’avis de la Cour de cassation estimant « que la mise en place d’un barème n’est pas en soi contraire aux engagements internationaux de la France ».

Pour autant, le débat est loin d’être clos car les conseils prud’homaux du fond continuent à résister.

Sources :

Dalloz Actualité T. Coustet 05.11.2019

Voir aussi La semaine juridique – édition générale n°47 18.11.2019 (page 2079) « Conformité du barème Macron aux textes internationaux : la cour d’appel de Paris suit la Cour de Cassation »

2- APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie) et principe de réparation intégrale

La Cour de cassation par un arrêt du 24 octobre 2019 (Civ. 1ère, 24 oct. 2019 n°18-21.339 A LIRE ICI) a rappelé que l’allocation personnalisée d’autonomie qui revêt un caractère indemnitaire est déductible du montant total de la réparation due à la victime.

Par ailleurs cet arrêt permet également mieux de faire la part des choses au regard des contours des chefs de préjudices ouvrant droit à réparation.

Il importe de distinguer le préjudice d’accompagnement des préjudices résultant du bouleversement des conditions de vie de l’aidant causés par la maladie du proche.

Sources :

Dalloz Actualité 12.11.2109 H. Conte

Jurisprudence responsabilité civile Gazette du Palais 12.11.2019 n°39 page 30

3- L’indemnisation des victimes de la tempête Xynthia :

Le temps passe, mais le temps des victimes n’est pas toujours le temps judiciaire.

La cour administrative de Nantes a examiné le 19 novembre 2019 une dizaine de requêtes en indemnisation suite à l’appel du jugement du tribunal administratif de Nantes.

Le récit de l’audience relaté par France Bleu met en évidence les meurtrissures et la souffrance toujours présentes.

L’objectif est celui d’une juste indemnisation en rappelant que la cour administrative d’appel a précédemment organisé la répartition et le partage des responsabilités à savoir 50% pour la commune de la Faute-sur-Mer, 35 % pour l’État et 15 % pour l’association chargée de la digue (Cf. H. Arbousset et MF. Steinlé-Feuerbach, « Xynthia : le juge administratif prend la suite du juge pénal (TA Nantes (6ème ch.) 19 janvier 2017, n° 1411130 ; 12 février 2018, n° 1504909 et 1700446 ; n° 1504910 et 1700281 ; n° 1504927 et 1700315), JAC n° 175, avril 2018).

Source :

France Bleu 19.11.2019

3- Barème d’indemnisation : cela n’existe pas !

Décidément la Cour de cassation, et il est heureux qu’il en soit ainsi, doit faire preuve de pédagogie et chacun sait que la pédagogie c’est la répétition.

En l’occurrence dans le cadre d’un litige opposant une victime et ses proches au FIVA, la Cour de cassation le 24 octobre 2019 (A LIRE ICI au visa de la loi n°2000-1257 du 23 décembre 2000 (article 53, I) et du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime vient à rappeler qu’en aucun cas un juge du fond ne peut se déterminer par référence à un barème, sans rechercher si en l’espèce la somme qu’elle alloue assure une réparation intégrale, ici d’un préjudice d’affection et d’accompagnement.

Mais la motivation est générale.

Conclusion :

La réparation intégrale exclut les barèmes référentiels qui n’ont pas droit de citer dans la motivation judiciaire même s’ils peuvent innerver le débat contradictoire devant les juges du fond mais comme n’importe quel élément probatoire et de réflexion pour la maturation concrète et la densité indemnitaire de l’évaluation de chaque poste de préjudice in concreto.

II – Droit des victimes :

1- Victimes d’attentat, bienveillance et bientraitance politique, sociétale et indemnitaire

Le temps n’y fait rien au contraire.

L’actualité est foisonnante.

L’attentat de la Préfecture de Police de Paris, le 3 octobre, faisant quatre morts, l’attaque de la mosquée de Bayonne faisant deux blessés, le 28 octobre, avec une polémique sur la sémantique et la qualification d’attentat.

Et la commémoration quatre ans après les attentats du 13 novembre.

Et aussi les constats : la lente reconstruction des victimes (Le Temps 14.11.2019; A LIRE AUSSI ), rescapés ou parents de victimes, comment les attentats ont modifié les liens avec leurs enfants (20 minutes 13.11.2019) ; ces blessures invisibles qui hantent les survivants du 13 novembre 2015 (Huffington Post 14.11.2019 A LIRE ICI).

Et bientôt, les investigations des juges anti-terroristes ayant pris fin, le procès.

Dossier « titanesque » (460 tomes) qui doit s’ouvrir le 4 mai 2020 dans le cadre solennel du Palais de Justice de l’Île de la Cité, lequel doit être adapté.

A Nice, à l’initiative de l’AFVT (https://www.afvt.org/tag/nice/) et de Guillaume DENOIX DE SAINT MARC, le VIIIème congrès international des victimes de terrorisme s’est tenu du 21 au 23 novembre 2019.

Temps et moment des constats et aussi de la vigilance.

A Strasbourg, bientôt un an après le dispositif exemplaire et réminiscence (Attentat de Strasbourg : Ce n’est pas un trauma, c’est là, planant et sourd – reportage Libération 22.11.2019 A LIRE ICI).

Attentat de Marseille 1er octobre 2017 – Mauranne et Laura sont assassinées Gare Saint Charles. Deux ans après les parents des victimes veulent que la responsabilité de l’État soit reconnue (source : France 3 Provence Alpes Côtes d’Azur 20.11.2019).

Et ailleurs à Bruxelles, trois ans et demi après les attentats du 22 mars 2016 les victimes ne s’estiment toujours pas entendues (source : BX1.be 16.11.2019).

Et partout des interrogations sur le long temps de l’indemnisation et sur le sens concret de la réparation intégrale.

En France, le débat existe et mérite d’être posé sur la qualité de l’approche indemnitaire par le Fonds de Garantie dont personne ne songe à remettre en cause l’existence, qui est un acquis et dont on peut craindre l’érosion.

Les questions ne pourront pas être éternellement éludées.

Un système que l’on veut exemplaire ne peut pas être imparfait (Après les attentats réparer les vivants, L’Humanité 13.11.2019 A LIRE ICI). Voir Gazette du Palais 19.11.2019 n°40 page 9 « interview Aurélie COVIAUX « Nous regrettons que le fonds d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme soit dans un double discours » A LIRE ICI.

2- Comment améliorer l’annonce des décès :

C’est un rapport très important dont les préconisations, si elles sont appliquées, devraient modifier les comportements et les attitudes A LIRE ICI .

Élisabeth PELSEZ, Déléguée Interministérielle à l’Aide aux Victimes, a remis son rapport, « Comment améliorer l’annonce des décès », à Nicole BELLOUBET.

Chacune des dix-huit propositions mérite une lecture attentive et une mise en œuvre adaptée.

3- Responsabilité pénale d’un psychiatre :

L’affaire « dite Meunier », Luc MEUNIER poignardé le 12 novembre 2008 par un patient sorti de l’hôpital psychiatrique de Saint Egrève avait largement interpelé.

L’arrêt de la cour d’appel de Grenoble qui avait condamné le médecin psychiatre à une peine de prison de 18 mois avec sursis a donc été confirmée, suite au rejet du pourvoi en cassation par la chambre criminelle le 22 octobre 2019 (A LIRE ICI Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 octobre 2019, 18-84.001, Inédit).

Il apparaît ainsi selon l’avocat des victimes que « l’arrêt énonce que le médecin psychiatre n’avait pas accompli les diligences normales compte-tenu de la nature de ses missions ou de ses fonctions, ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait et a ainsi commis une faute caractérisée en autorisant les sorties d’un patient réputé dangereux ».

 Source :

France3 Auvergne Rhône Alpes 23.10.2019

III – VICTIMOLOGIE :

1- Agression :

L’observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) vient de publier une étude sur les violences dites « hors ménage » A LIRE ICI).

Ces violences externes à la sphère familiale sont de l’ordre de 650 000 agressions par an.

L’enquête « cadre de vie et sécurité » démontre que ¾ des victimes ont appelé au secours, ¼ seulement a déposé plainte, que toutes ses agressions ont engendré des dommages psychologiques non négligeables.

 Source :

Le Figaro 21.11.2019

 

2- Effet induit des catastrophes :

On apprend que trois élus de l’ile de Saint Martin vont comparaître devant le tribunal correctionnel de Saint-Martin le 19 décembre 2019 pour des infractions de violation des règles de la commande publique.

Ces infractions ont été commises après le passage du cyclone Irma.

Il est question dans les stratégies, notamment de défense, « d’urgence impérieuse décrétée après le passage de l’ouragan Irma et de contexte de crise » affaire à suivre …

A un moment où les sénateurs Abdallah HASSANI et Jean-François RAPIN ont présenté à la presse leur rapport d’information sur les risques naturels majeurs dans les outre-mer dans lequel ils préconisent un pilotage institutionnel clair et efficace de la reconstruction  A LIRE ICI).