Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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NON RESPECT DES REGLEMENTATIONS ET TROUBLES DU VOISINAGE POUR USAGE D’UNE PISCINE INSTALLEE TROP PRES D’UNE CLOTURE

Isabelle Corpart

Maître de conférences à l’Université de Haute Alsace

CERDACC

Commentaire de CA Montpellier, 24 mars 2016, n° 13/08605

Le propriétaire d’une piscine qui n’a pas respecté les normes administratives au moment de la construction de sa piscine et qui cause préjudice à ses voisins, notamment par des nuisances sonores, est condamné à réduire la surface de la piscine et à limiter la hauteur de sa clôture.

Mots clef : piscine – clôture trop haute – nuisances sonores – gêne des voisins – préjudice – installation défectueuse – non respect du Plan local d’urbanisme – non respect des règles de lotissement – démolition des installations

Pour se repérer

Une personne a fait construire, dans un angle de sa parcelle à Corbères les Cabanes dans les Pyrénées orientales, une piscine en l’implantant à moins de 50 cm de la limite séparative de la propriété de son voisin, alors que le PLU impose de respecter une distance minimale de 1.8 m, afin de ne pas gêner les familles habitant à proximité et l’a entouré d’une clôture qui dépasse la hauteur réglementaire de 1.8 m imposée également par le PLU.

Le voisin gêné par les cris des enfants et adolescents venant se baigner à toute heure, et en particulier le soir, demande la démolition de ces deux ouvrages en infraction.

Sa demande est rejetée par le premier juge qui d’une part, considère que les nuisances sonores ne se produisent qu’en période estivale, durant laquelle il est fréquent qu’il ait des rassemblements de personnes dans les jardins, même sans piscine, et donc du bruit, d’autre part, n’établit l’existence d’aucun préjudice en lien avec le dépassement de la hauteur de la clôture.

Le voisin fait appel en invoquant le fait que si les textes réglementaires avaient été respectés seule une piscine beaucoup plus petite aurait pu être implantée et il persiste en demandant sa démolition, en joignant une photocopie du plan de masse qui montre que les distances ne sont pas respectées et des photographies de la piscine litigieuse. Précisément, la taille réglementaire n’aurait pu conduire qu’à implanter une sorte de pataugeoire, ce qui aurait considérablement réduit sa fréquentation et partant le bruit.

Pour aller à l’essentiel

L’appelant établissant l’existence d’un lien entre la construction de la piscine contrevenant aux règles d’urbanisme et les nuisances sonores qu’il subit démontre bien un préjudice, les cris des enfants dans l’eau occasionnant une nuisance sonore bien supérieure à celle de l’usage normal d’un jardin pendant la période estivale.

Par ailleurs, il subit un autre préjudice, son horizon étant bouché en raison du non-respect de la hauteur de la clôture.

Il y a lieu en conséquence, pour la cour d’appel de Montpellier, dans son arrêt rendu le 24 mars 2016 (n° 13/08605) de l’indemniser de ces différents préjudices car des fautes ont été commises.

Le propriétaire a effectivement violé le règlement de lotissement en implantant sa piscine trop près de chez son voisin et en clôturant son terrain sans respecter les normes de hauteur. Il est condamné à réduire la surface de sa piscine et à limiter la hauteur de sa clôture afin de respecter les normes administratives.

Pour aller plus loin

La belle saison approchant, cet arrêt nous rappelle que les piscines installées chez des particuliers suscitent de nombreux contentieux – sans compter les drames dont le JAC a fait régulièrement état en raison des dangers causés par les plaisirs des bains estivaux, notamment quand de jeunes enfants sont laissés sans surveillance et se noient.

Laisser des enfants plus grands sans surveillance ou sans consigne de bon voisinage peut aussi être source de difficultés.

On le sait, des enfants jouant dans l’eau font du bruit et cela peut irriter les voisins. Les familles peuvent être rappelées à l’ordre par les forces de police car le volume des décibels peut être contrôlé même en pleine journée, mais elles peuvent aussi être sanctionnées quand des piscines ont été construites sans que les règles d’urbanisme soient respectées, comme dans le litige opposant ici les voisins.

En l’espèce, pour équiper leur maison d’une piscine de taille intéressante, les propriétaires ont omis de respecter les textes applicables. Leur piscine est implantée trop en bordure de terrain (50 cm au lieu d’1.80 m) et leurs voisins sont en droit de demander à la fois réparation des préjudices subis par les nuisances sonores (2 000 euros) mais aussi démolition de la piscine et du mur de séparation, sous astreinte.

Malgré les plaisirs que procurent les piscines, il faut être vigilant au moment de se lancer dans une telle opération. D’autres dossiers font aussi état du bruit de la pompe à chaleur ou du système de filtration et de querelles plus ou moins virulentes de voisinage.

***

CA Montpellier, 1ère chambre Section A01, 24 mars 2016, n° RG : 13/08605

LES FAITS, LA PROCÉDURE ET LES PRÉTENTIONS :

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Perpignan en date du 24 octobre 2013′;

Vu l’appel régulier et non contesté de Madame Y, en date du 27 novembre 2013′;

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions de l’appelante en date du 26 février 2014′;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 29 janvier 2016 ;

SUR CE

L’intimé, C-D X a fait l’objet le 28 février 2014 d’une assignation devant la cour, qui a été déposée à l’étude de l’huissier instrumentaire.

Il sera donc statué par défaut.

La recevabilité de l’appel n’est pas discutée.

Au fond il est constant, comme le relève justement le premier juge, qu’il résulte des photographies versées au débat par A Y, d’un courrier de la préfecture des Pyrénées orientales en date du 16 octobre 2011, qui confirme les termes d’un procès-verbal d’infraction dressé contre l’intimé, d’un plan des lieux produit par la demanderesse, que :

d’une part, la piscine que l’intimé a fait construire dans un angle de sa parcelle numéro 1330 (pièce numéro un) à CORBERES LES CABANES, Pyrénées orientales, est implantée à moins de 50 cm de la limite séparative de la propriété de A Y, alors que l’article 4 N A7 du PLU impose de respecter une distance minimale de 1,8 m,

d’autre part, le mur de clôture construit également sur la propriété de l’intimé dépasse la hauteur réglementaire de 1,8 m, imposée par l’article 4 N A 115 du même PLU.

Par ailleurs, le même jugement mérite confirmation en ce qu’il a retenu, en substance, que les particuliers peuvent se prévaloir devant le juge judiciaire de la violation des règlements administratifs, instituant des charges d’urbanisme ou des servitudes d’intérêt général, à la seule condition d’établir l’existence d’un préjudice personnel en lien avec l’infraction aux règles d’urbanisme, sans pouvoir se voir imposer la preuve d’un trouble anormal de voisinage.

Pour débouter A Y de ses demandes de dommages-intérêts et de démolition des ouvrages en infraction, le premier juge a retenu qu’elle n’établit l’existence d’aucun préjudice, en lien avec le dépassement de la hauteur de la cloture ;

En ce qui concerne les troubles qui découleraient de l’utilisation de la piscine, sa prétention selon laquelle il en résulterait pour elle des nuisances sonores importantes, dues à des cris répétés des adolescents qui l’utilisent, préjudice résultant, selon elle, des nombreuses attestations qu’elle produit aux débats, le premier juge a relevé :

que ces nuisances sonores ne se produisent qu’en période estivale, époque où il n’est pas rare, dans le sud de la France, que des regroupements de personnes se tiennent dans les jardins y compris le soir, même en l’absence de piscine,

que les attestations produites par A Y sont rédigées par des personnes qui ne résident pas sur place, ne pourraient donc pas constater la réalité de nuisances au quotidien,

que ces attestations sont contredites par celle produite par Monsieur X, qui émanent de voisins qui n’auraient constaté aucune nuisance sonore.

Toutefois, A Y combat justement cette motivation en faisant valoir que si C-D X avait respecté la limite imposée par le P LU, à savoir une distance minimum de 1,80 m, il n’aurait pas pu implanter cette piscine, en tout cas n’aurait pu implanter qu’une piscine bien plus petite.

La cour constate en effet, :

— qu’en plus de cette règle de 1,80 m, qui protège le fonds Y, qui résulte de l’article 2.7 du règlement de lotissement, l’article 4 NA 6 impose pour l’implantation d’une piscine une distance d’un minimum de 2,5 m par rapport aux voies et emprises publiques ;

— que la photocopie du plan de masse, (pièce numéro 1), démontre que la piscine serrée dans un angle de la parcelle 1330 ne respecte aucune de ces deux distances ;

— que cela est confirmé par la photographie de la piscine ,(pièce 2 ) qui montre qu’un des angles de la piscine se situe à moins de 50 cm d’une clôture séparant la parcelle 1330 de la rue, tandis que le côté opposé de la piscine, côté séparation avec le fonds Y, ne respecte pas davantage la distance de 1,80 m, l’intimé ayant reconnu dans ses écritures de première instance une distance inférieure à 50 cm ;

— qu’il en résulte donc que si ces distances minimales avaient été respectées, la superficie de la piscine aurait été réduite dans de fortes proportions, au moins de un tiers, de sorte que, soit l’intimé n’aurait pas fait construire une piscine, soit qu’il aurait fait construire une piscine de taille très réduite, proche de celle d’une pataugeoire, si bien que dans les deux cas la fréquentation de cet équipement aurait été fortement réduite, sinon anéantie ;

— qu’ainsi, l’appelante établit bien l’existence d’ un lien entre la construction de cette piscine, sans respecter les règles d’urbanisme, les nuisances sonores qu’elle importe, que cela

constitue pour elle un préjudice, puisque la fréquentation de cette piscine est nettement supérieure à celle qu’elle aurait été si le bassin avait été d’une surface beaucoup plus réduite, alors qu’en tout cas, contrairement à ce qu’a admis le tribunal, l’utilisation d’une piscine notamment par des enfants et des adolescents, en soirée, occasionne une nuisance sonore bien supérieure à celle provoquée par l’usage normal d’un jardin en été ;

— qu’enfin, il est également constant que le non-respect de la hauteur de la clôture cause un préjudice au voisin, dont l’horizon est davantage bouché que cela aurait été le cas si la hauteur réglementaire avait été respectée.

Réformant le jugement, la cour dira que ces constructions causent un préjudice à l’appelante, condamnera l’intimé à indemniser l’appelante de ses préjudices.

Les éléments ci-dessus rapportés ainsi que les pièces du dossier, notamment les attestations produites par l’appelante, qui caractérisent la nuisance sonore notée, permettent de fixer le préjudice de l’appelante à la somme de 2 000 €, la circonstance que ces témoins ne sont pas des voisins immédiats étant insuffisante pour anéantir ce témoignage.

La cour condamnera, en outre, l’intimé à réduire la surface de la piscine, à limiter la hauteur de la clôture afin que ces ouvrages respectent les normes administratives susvisées.

La résistance de l’intimé commande d’assortir cette condamnation d’une astreinte provisoire, la cour se réservant le contentieux de la liquidation de cette astreinte.

Succombant, l’intimé supportera les entiers dépens de première instance et d’appel, paiera une somme de 2 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

P A R C E S M O T I F S :

La cour statuant par défaut, par mise à la disposition de l’arrêt au greffe.

Reçoit l’appel.

Le déclare partiellement fondé.

Infirme le jugement et statuant à nouveau, condamne C-D X à payer à A Y une somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts.

Condamne le même à réduire la surface de sa piscine et la hauteur de la clôture, afin de respecter les règles du règlement de lotissement, et ce, sous astreinte provisoire de 100 € par jour de retard, qui courra trois mois après la signification du présent arrêt, pendant six mois, passé lequel délai il sera à nouveau statué.

Dit que la cour se réserve le contentieux de l’astreinte.

Condamne en outre le même au paiement de la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de l’avocat postulant de l’appelante.