Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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PAS DE RECONNAISSANCE DU PREJUDICE MORAL D’UNE SŒUR NON ENCORE CONÇUE LORS D’UN DRAME FAMILIAL, I. Corpart

Isabelle Corpart

Maître de conférences à l’Université de Haute-Alsace
Membre du CERDACC

 

Commentaire de Cass. 1re civ., 11 mars 2021, n° 19-17.384

 

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation revient une fois de plus sur la qualité de victime par ricochet pour un enfant non encore né au moment du fait générateur.

Après avoir reconnu le préjudice moral subi par un enfant non encore né mas déjà conçu lors des faits dans un arrêt rendu tout récemment le 11 février 2021 à propos de l’assassinat de son grand-père, elle rejette cette fois la demande d’indemnisation d’une sœur. En effet la sœur qui entend se prévaloir de la disparition d’une petite fille de la famille n’était même pas conçue à l’époque de ce triste événement. Par cet arrêt, la Cour de cassation entend restreindre le cadre de l’admission de la réparation du préjudice moral subi par des personnes qui se prétendent victimes indirectes.

Mots-clefs : Disparition non encore élucidée – responsabilité civile – victime directe – victime par ricochet – préjudice moral – lien de causalité – enfant non encore né mais surtout non encore conçu – traumatisme familial

Pour se repérer

Un drame est vécu par des parents en 1987 car leur petite fille Charazed, âgée seulement de 10 ans a disparu. Un enlèvement et une séquestration ou un assassinat sont présumés car on est resté définitivement sans nouvelle de la fillette.

Trois ans plus tard, le couple a un autre enfant et, longtemps après ces tristes faits, la sœur de la disparue saisit la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI), demandant une réparation en sa qualité de victime par ricochet. Elle invoque en effet le fait qu’elle a été privée d’une enfance normale car ses parents ne se sont jamais remis de la disparition de leur petite fille, son aînée et du traumatisme qu’ils ont alors vécu.

Sa requête est entendue par la cour d’appel de Grenoble qui, le 24 avril 2018, lui accorde la somme provisionnelle de 12 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice moral.

Suite à cette analyse, contestant l’existence d’un lien de causalité entre la disparition de la victime directe et le préjudice souffert par sa sœur née postérieurement au drame et prétendument victime par ricochet, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions a formé un pourvoi contre l’arrêt.

Pour aller à l’essentiel

Conformément à l’article 1240 du Code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, aussi une action en réparation du préjudice subi peut être intentée. En effet, comme le prévoit l’article 706-3 du Code de procédure pénale, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d’une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne.

La demanderesse a introduit une action en justice afin de réclamer une indemnisation pour le préjudice moral dont elle souffre pour être née dans une famille marquée par la disparition inexpliquée de sa sœur aînée. Au nom du traumatisme subi par la famille et tenant compte du vécu si particulier de la fillette née après ce drame, les juges de la cour d’appel de Grenoble lui ont alloué une provision au titre de son préjudice moral.

Pour la Cour de cassation, ce faisant, les juges ont violé l’article 1240 du Code civil et l’article 706-3 du Code de procédure pénale, faute d’avoir pu démontrer un lien de causalité entre la disparition jamais élucidée de la fillette et le préjudice invoqué par sa sœur.

En l’espèce, la demanderesse a effectivement été conçue après la disparition de sa sœur, raison pour laquelle, en l’absence de lien de causalité, sa demande de provision doit être rejetée. En conséquence, l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble est cassé et ce, sans renvoi. En effet, la loi n° 2016-1547 de modernisation de la justice du XXIe siècle du 18 novembre 2016, complétée par le décret n° 2017-396 du 24 mars 2017 a permis à la Cour de cassation de statuer au fond après la cassation (F. Ferrand, La Cour de cassation dans la loi de modernisation de la justice du 21e siècle. À propos de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, JCP 2016. 1407 ; L. Poulet, Cour de cassation : les évolutions procédurales, Dalloz actualité du 31 mars 2017). Il n’était pas utile qu’une cour d’appel de renvoi soit saisie pour confirmer qu’aucune indemnisation ne pouvait être accordée.

Pour aller plus loin

La demanderesse a dû se construire avec le traumatisme causé par la disparition de sa grande sœur, âgée de 10 ans, la dernière fois que sa famille a eu de ses nouvelles. Ses parents ont été profondément attristés par ce sinistre événement et, on peut en effet comprendre que l’enfance de la sœur s’est trouvée énormément perturbée par l’absence de l’aînée de la famille.

Forcément, elle n’a jamais connu sa sœur disparue et l’on pouvait se demander si les faits permettaient de justifier une action en réparation d’un préjudice moral. Cette analyse a déjà été retenue pour des enfants non nés au moment du fait générateur mais qui étaient déjà conçus à cette époque, ce qui n’était pas le cas de la demanderesse.

La Cour de cassation apporte d’utiles précisions sur ce point, distinguant entre le préjudice moral subi par un enfant non né mais conçu (I) et celui dont souffre un enfant non encore conçu lors des faits (II). Ni l’un ni l’autre ne sont nés au moment du fait générateur mais le premier est déjà conçu, ce qui change tout.

Ce faisant, la Cour de cassation encadre l’admission des victimes par ricochet avec une vision certes restrictive mais bienvenue.

I – La reconnaissance du préjudice moral de l’enfant conçu lors du décès de son père

La Cour de cassation a déjà eu maintes fois l’occasion d’indemniser le préjudice moral d’un enfant qui souffre de l’absence d’un proche.

Dans l’arrêt rendu le 14 décembre 2017 par la deuxième chambre civile, elle a en effet ouvert droit à réparation à un enfant dont le père est décédé avant sa naissance (Cass. 2e civ., 14 déc. 2017, n° 16-26.687, Cass. 2e civ., 14 déc. 2017, n° 16-26687 : Bull. civ. II, n° 253 ; Dr. famille juin 2018, comm. 165, note D. Galbois ; LPA 24 mai 2018, n° 135×8, p. 19, note B. de Bertier-Lestrade ; RLDC 2018, n° 159, RLDC mai 2018/162, n° 6477, note C. Quézel-Ambrunaz ; Gaz. Pal. 23 janv. 2018, n° 311j4, p. 18, note M. Dupré Gaz. Pal. 17 avr. 2018, n° 320d0, p. 28, note J. Traullé ; RTD civ. 2018, p. 72, obs. D. Mazeau ; RTD civ. 2018, p. 126, obs. P. Jourdain ; JAC 2018, n° 174, p. 5, note I. Corpart ; RJPF mars 2018, n° 32, note A. Cayol ; D. 2018, p. 386, note M. Bacache ; JCP G 2018, n° 204, note J.-R. Binet ; RDSS 2018. 178, obs. T. Tauran).

L’enfant étant né postérieurement au décès mais peu de temps après, ce qui justifie qu’il était conçu auparavant, son préjudice moral lié aux souffrances tenant à l’absence définitive de père est jugé réparable par la Cour de cassation.

En l’espèce, un lien de causalité existe entre le dommage (décès du père des suites d’un accident du travail) et le préjudice moral (privation de lien affectif). Ce préjudice est à la fois certain et direct car le fait dommageable, cause du décès, s’est produit entre la conception et la naissance de l’enfant. En effet, si le drame n’avait pas eu lieu, l’enfant aurait été élevé par ses deux parents et il aurait connu des joies dont il est injustement privé.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation prend pour la première fois en compte le préjudice moral subi par un enfant né après le décès accidentel de son père, lui reconnaissant un nouveau préjudice extrapatrimonial.

Postérieurement à cette affaire, la question de l’admission de la réparation du préjudice moral de l’enfant non encore né lors du fait générateur s’est trouvée au cœur de nombreux débats conduisant à réfléchir au préjudice d’affection perturbé par l’impossibilité de pouvoir nouer des liens avec un proche.

Récemment la chambre criminelle de la Cour de cassation a été saisie d’un problème analogue (Cass. crim. 10 nov. 2020, n° 19-87.136, Dalloz Actualité du 15 déc. 2020, obs. M. Recotillet ; LPA du 11 févr. 2021, n° 158p5, p.7, note I. Corpart ; RCA n° 1, janv. 2021, comm. 2, note S. Hocquet-Berg ; RJPF 2021-1/17, note M. Dupré ; AJ pénal 2021. 31, note Mayaud Y. ; Dr. famille 2021, n° 1, p. 38, note Bonfils Ph).

Elle a reconnu le droit de l’enfant d’être indemnisé au titre du préjudice moral dont il souffre pour avoir été privé de père, ce dernier ayant succombé à un accident de la route, d’autant que la vérification des éléments ouvrant droit à la réparation est à faire au moment où survient le dommage. Précisément c’est à sa naissance que l’enfant va souffrir d’être orphelin de père.

Le fait qu’il soit né postérieurement au décès ne doit donc pas mettre obstacle à la réparation du préjudice moral car, en vertu de l’adage infans conceptus pro nato habetur, il est admis que la personnalité juridique démarre dès sa conception s’il y va de son intérêt.

Pour un grand-père cette fois, la Cour de cassation poursuit sur cette lignée et reconnaît un lien de causalité entre l’homicide volontaire d’un grand-père et le préjudice moral subi par sa petite fille (Cass. 2e civ., 11 févr. 2011, n° 19-23.525, Dalloz Actualité du 1er mars 2021, obs. H. conte ; AJ famille 2021. 191, obs. J. Houssier ; RJPF 2021-4/17, note I. Corpart).

Déjà conçue au moment du drame, sa qualité de victime par ricochet est retenue par la Cour de cassation et elle obtient réparation de son préjudice moral pour être privée de l’amour et de la bienveillance de son aïeul. Dans cette affaire, les droits de l’enfant à naître, victime par ricochet, tout autant que sa mère, sont reconnus : « l’enfant qui était conçu au moment du décès de la victime directe de faits présentant le caractère matériel d’une infraction peut demander réparation du préjudice que lui cause ce décès ». Le défunt aurait fait partie de sa famille et sa petite-fille souffre assurément de sa brutale et définitive disparition.

Ne pas avoir pu nouer des liens avec des membres de sa famille ouvre effectivement droit à réparation, l’absence d’un proche ayant une influence certaine sur la vie familiale. Néanmoins, toute la question qui se posait dans l’affaire jugée par la Cour de cassation le 11 mars 2021 était de savoir si cette analyse pouvait être étendue à la grande souffrance ressentie par un enfant non encore conçu lors du fait générateur.

II – L’exclusion du préjudice moral de l’enfant non encore conçu lors de la disparition de sa sœur

Même si les faits sont proches entre ces récentes affaires et celle jugée par la Cour de cassation le 11 mars 2021, un préjudice affectif pouvant assurément être envisagé, il n’est pas possible d’étendre la qualité de victime par ricochet à la sœur de la fillette disparue, faute de démonstration d’un lien de causalité.

La Cour de cassation censure les juges du fond pour avoir violé les textes au visa de l’arrêt : « en l’absence de lien de causalité entre le fait dommageable et le préjudice allégué, la demande de provision formée par Mme U… S… doit être rejetée ». Elle donne raison au Fonds de garantie qui avait formé son pourvoi sur la base du défaut de lien de causalité pour une sœur née plusieurs années après la disparition non élucidée.

En effet, le fait de ne pas avoir été déjà conçue lors du drame vécu par la famille conduit à écarter la demanderesse, certes née après le triste événement comme dans les arrêts cités précédemment mais également conçue postérieurement.

En l’espèce, la sœur aurait dû pouvoir démontrer un lien de causalité avec l’infraction afin d’obtenir une indemnisation pour les souffrances endurées, lesquelles ne sont pas contestées, mais pour les juges de la Cour de cassation, comme elle a été conçue postérieurement à la disparition de sa sœur, le lien de causalité n’existe pas.

Avec cette nouvelle affaire, la Cour de cassation revient sur la tendance qui se dégageait dans des arrêts rendus ces dernières années et qui conduisaient à une certaine extension du champ de réparation du préjudice moral, élargissant le nombre des personnes pouvant prétendre à une indemnisation.

Si l’on peut penser que des enfants, des petits-enfants, des frères et sœurs pourraient revendiquer la réparation d’un préjudice moral, pour la Cour de cassation, encore faut-il que la victime par ricochet soit déjà conçue lors du fait générateur. Précisément, qu’elle ne soit pas encore née ne conduit pas à l’exclure mais ne pas être encore conçue élargirait trop la liste des personnes pouvant prétendre à la qualité de victime indirecte et obtenir une indemnisation.

La Cour de cassation y met un terme en apportant des précisions par rapport au lien de causalité : « En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que Mme U… S… avait été conçue après la disparition de sa sœur, de sorte qu’il n’existait pas de lien de causalité entre cette disparition non élucidée et le préjudice invoqué, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Non encore conçue, la demanderesse ne pouvait pas arguer en l’espèce de l’adage infans conceptus pro nato habetur.

On retiendra de cet arrêt que sa demande ne peut pas aboutir car, à la date du fait générateur, elle n’est ni née ni surtout conçue or c’est à ce moment qu’il revient d’apprécier le lien de causalité, lien qui fait défaut en ce qui la concerne.

Dès lors, si l’on peut désormais reconnaître la qualité de victime par ricochet à un enfant non encore né mais conçu au moment du fait générateur, cette solution ne saurait être transposée à tous les membres de la famille. Seuls les parents, au moins conçus avant le drame, peuvent prétendre à la qualité de victime par ricochet, à supposer ensuite que le préjudice moral soit bien établi, point qui n’était nullement en débat dans cette affaire car le traumatisme subi par cette famille ne faisait aucun doute, en raison des nombreuses difficultés auxquelles elle avait dû faire face.

Décidément la question de la réparation du préjudice subi par des enfants revient régulièrement devant les juges mais cette fois, la vision est plus restrictive pour ne pas élargir indéfiniment la liste des personnes pouvant se revendiquer victimes.

***

Cour de cassation, 2e chambre civile, 11 Mars 2021 – n° 19-17.384

Faits et procédure

  1. Selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 24 avril 2018), et les productions, E… S…, née le […] , a disparu le 8 juillet 1987.
  2. L’information judiciaire ouverte du chef d’enlèvement de mineur de 15 ans a fait l’objet d’une ordonnance de non-lieu en janvier 1989. L’information ayant été reprise des chefs d’enlèvement et séquestration de plus de sept jours, un second non-lieu a été prononcé en novembre 2014, à la suite duquel la chambre de l’instruction a ordonné un supplément d’information.
  3. Mme U… S…, soeur de E… S…, née le […] , se prévalant des faits d’enlèvement et de séquestration qui auraient été commis à l’encontre de cette dernière, a saisi, le 4 décembre 2015, une commission d’indemnisation des victimes d’infractions, aux fins de versement d’une provision en réparation de son préjudice moral, sur le fondement des articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale.

Exposé du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Énoncé du moyen

  1. Le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions fait grief à l’arrêt d’allouer à Mme U… S… la somme provisionnelle de 12 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice moral alors « que n’existe aucun lien de causalité entre la disparition de la victime et le préjudice prétendument souffert par sa soeur née plusieurs années après cette disparition ; qu’en allouant néanmoins à Mme S… la somme provisionnelle de 12 000 euros au titre du préjudice moral résultant de la disparition de sa soeur, après avoir pourtant constaté que Mme S… était née près de quatre ans après cette disparition, la cour d’appel a violé l’article 706-3 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 1240 du code civil et l’article 706-3 du code de procédure pénale :

  1. Aux termes du premier de ces textes, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer et, selon le second, sous certaines conditions, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d’une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne.
  2. Pour allouer à Mme U… S… une provision au titre de son préjudice moral, l’arrêt retient qu’en raison de sa naissance au sein d’une famille marquée par la disparition inexpliquée d’une enfant de 10 ans, Mme U… S… a dû se construire avec le traumatisme de cette disparition, entretenu en permanence au sein du foyer familial.
  3. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que Mme U… S… avait été conçue après la disparition de sa soeur, de sorte qu’il n’existait pas de lien de causalité entre cette disparition non élucidée et le préjudice invoqué, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

  1. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
  2. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
  3. En l’absence de lien de causalité entre le fait dommageable et le préjudice allégué, la demande de provision formée par Mme U… S… doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 24 avril 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE la demande de provision formée par Mme U… S… en réparation du préjudice allégué ;

Laisse les dépens exposés, tant devant la cour d’appel que devant la Cour de cassation, à la charge du Trésor public ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour la Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions

Il est fait grief à l’arrêt d’avoir alloué à Mme U… S… la somme provisionnelle de 12 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice moral ;

Aux motifs que « dans le cadre de la disparition de la jeune E… S… le 8 juillet 1987, le FGTI ne conteste pas la dimension infractionnelle de la dite disparition mais conteste le droit à indemnisation de Mme U… S… en ce qu’elle est née en 1991 soit presque 4 ans après la disparition de sa soeur qu’elle n’a donc jamais connue ; qu’il convient de rappeler que le préjudice d’affection correspond à l’indemnisation de la perte d’un proche avec qui un lien affectif est établi ; qu’en l’espèce, l’existence d’un lien affectif préalablement établi entre la soeur disparue et la soeur née 3 ans plus tard n’est pas caractérisable ; que dès lors, aucune indemnisation ne peut intervenir sur le fondement d’un préjudice d’affection ; qu’en revanche, en raison de sa naissance au sein d’une famille marquée par la disparition inexpliquée d’une jeune enfant de 10 ans, Mme U… S… a dû se construire avec le traumatisme de cette disparition, traumatisme entretenu en permanence au sein du foyer familial ; qu’elle subit de ce fait un préjudice moral qu’il convient d’indemniser ; qu’une provision de 12 000 euros lui sera accordée à ce titre ; que la décision sera donc confirmée par substitution de motifs sur le principe de l’indemnisation et infirmée sur le montant de la provision accordée » (arrêt attaqué, p. 4, § 6 et s.) ;

1°) Alors, d’une part, que n’existe aucun lien de causalité entre la disparition de la victime et le préjudice prétendument souffert par sa soeur née plusieurs années après cette disparition ; qu’en allouant néanmoins à Mme U… S… la somme provisionnelle de 12 000 euros au titre du préjudice moral résultant de la disparition de sa soeur, après avoir pourtant constaté que Mme U… S… était née près de quatre ans après cette disparition, la cour d’appel a violé l’article 706-3 du code de procédure pénale ;

2°) Alors, d’autre part, que le fait pour une personne de naître dans une famille marquée par un drame et, par suite, d’avoir dû se construire dans un tel environnement ne constitue pas un préjudice réparable ; qu’en allouant néanmoins à Mme U… S… la somme provisionnelle de 12 000 euros en réparation du préjudice résultant pour elle d’avoir, en raison de sa naissance au sein d’une famille marquée par la disparition d’une jeune fille de de 10 ans, dû se construire avec le traumatisme de cette disparition, traumatisme entretenu en permanence au sein du foyer familial, la cour d’appel a violé l’article 706-3 du code de procédure pénale ;

3°) Alors, enfin, que le droit à réparation naît au jour du fait dommageable ; qu’il s’en déduit qu’une personne ne saurait obtenir réparation de faits survenus à un moment où elle n’était pas conçue ; qu’en allouant néanmoins à Mme U… S… la somme provisionnelle de 12 000 euros au titre du préjudice moral résultant de la disparition de sa soeur, après avoir pourtant constaté que Mme U… S… était née quatre ans après cette disparition, la cour d’appel a violé l’article 706-3 du code de procédure pénale et l’article 1382 ancien, devenu 1201, du code civil.