Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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URGENCE SANITAIRE ET RESOLUTION DES CONTRATS RELATIFS AUX LOISIRS, P. Schultz

Philippe SCHULTZ

Maître de conférences à l’Université de Haute-Alsace – H.D.R.
Membre du C.E.R.D.A.C.C. (UR 3992)

 

Le confinement a lourdement affecté les activités de loisirs. Tout le monde s’en est rendu compte. Plus de voyages, plus de spectacles vivants, plus d’activités sportives en groupe, plus de restaurants et bars… Pour bon nombre de ces activités, la conclusion du contrat s’effectue très en amont de son exécution. Ainsi une réservation de vacances peut s’effectuer plusieurs mois en avance. Il en est de même de la réservation de places pour des spectacles vivants. De manière plus générale, il se pose aussi la question des abonnements qui courent sur une année complète et qui ne pourront pas être honorés durant la période de confinement.

Très rapidement, sur habilitation législative ( L. n° 2020-290 du 23/03/2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, art. 11), le Gouvernement a adopté par ordonnance des mesures concernant les contrats de voyages touristiques et de séjours (Ord. n° 2020-315 du 25 mars 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure : JO 26 mars 2020. V. aussi : D. Piatek, Le contrat à l’épreuve de l’épidémie du Covid-19 : premières réactions, JAC n° 195). Pour préserver la trésorerie des agences de voyage qui se trouveraient confrontées à un remboursement massif du prix des voyages qui n’ont pu être organisés en raison de la crise sanitaire (V. Rapport au Président de la, République relatif à l’ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 : JO 26 mars 2020), l’ordonnance prévoit, à titre temporaire, le remplacement de la restitution du prix par un avoir et une proposition de prestation équivalente en cas de résolution du contrat pour cas de force majeure. Ce sont essentiellement les conséquences de la résolution qui sont aménagées par ce texte.

Au Journal officiel du 8 mai 2020 est parue une autre ordonnance qui transpose le mécanisme développé au sujet des contrats de voyages touristiques aux contrats relatifs aux spectacles vivants et abonnements sportifs (Ord. n° 2020-538 du 7 mai 2020 relatif aux conditions financières de résolution de certains contrats en cas de force majeure dans les secteurs de la culture et du sport).

La similitude du régime dérogatoire mis en place justifie une analyse croisée de ces deux textes. Ce régime d’exception ne concerne évidemment que les contrats visés par ces deux ordonnances. Par principe, les autres contrats restent soumis au droit commun des restitutions en cas de résolution fondée sur la force majeure (V. C. civ., art. 1352 à 1352-9). Il convient donc avant tout d’identifier le champ et les conditions d’application de ce régime d’exception (I) avant d’en étudier le mécanisme (II).

I. Domaine et conditions d’application

Le domaine d’application doit être précisé par rapport aux contrats relatifs aux loisirs visés par les ordonnances des 25 mars et 7 mai 2020. Les conditions touchent à la date à laquelle la résolution du contrat est notifiée au professionnel.

A. Le champ d’application quant aux contrats

Contrats de voyages touristiques. L’article 1er, I, de l’ordonnance du 25 mars 2020 vise principalement deux hypothèses distinctes. D’abord sont mentionnés « les contrats de vente de voyages et de séjours mentionnés au II et au 2° du III de l’article L. 211-14 du code de tourisme vendus par un organisateur ou un détaillant. ». En réalité, le renvoi à l’article L. 211-14 ne permet pas d’identifier les contrats concernés. Ce texte concerne les règles en matière de résolution de certains contrats de voyage. Pour connaître le domaine d’application de cet article, il faut se référer à  l’article L. 211-7  qui dresse le champ d’application de la section dans laquelle est incluse l’article L. 211-14. Sont ainsi visés les forfaits touristiques et les services de voyage portant sur le transport, le logement, la location d’un véhicule ou d’autres services de voyage qu’elles ne produisent pas elles-mêmes. Par renvoi à l’article L. 211-4, la location saisonnière en meublé est incluse lorsqu’elle est effectuée par un agent de voyage pour le compte d’autrui. En revanche, elle est exclue lorsqu’elle est faite par un agent immobilier (C. tour., art, L. 211-7, I, 2°). De même sont exclus les services de voyage et forfaits touristiques vendus dans le cadre d’une convention générale conclue pour le voyage d’affaires, ainsi que la réservation et la vente de titres de transport aérien ou d’autres titres de transport sur ligne régulière.

L’article 1er de l’ordonnance du 25 mars 2020 mentionne ensuite dans un 2° les contrats « portant sur les services, mentionnés au 2°, au 3° et au 4° du I de l’article L. 211-2 du même code, vendus par des personnes physiques ou morales produisant elles-mêmes ces services ». L’extension porte sur les hébergements non résidentiels ne faisant pas partie intégrante d’un transport de passagers et sur la location de voitures et d’autres services touristiques. Il importe peu que ces services de voyage soient produits par des professionnels du tourisme ou par des associations (V. Ord.  2020-315 du 25 mars 2020, art. 1er, I, 3°).

Ventes de billets pour des spectacles. L’ordonnance du 7 mai 2020 couvre un champ d’application plus hétérogène. Son article 1er s’intéresse d’abord à l’accès à différents spectacles. En premier lieu sont visés les contrats de vente de titres d’accès à une ou plusieurs prestations de spectacles vivants conclus par des entrepreneurs de spectacles vivants avec leurs clients. Sont concernés les billets d’accès à un concert, une pièce de théâtre ou un opéra, par exemple. En second lieu sont concernés les contrats de vente de vente de titres d’accès à une ou plusieurs manifestations sportives conclus entre les organisateurs ou propriétaires des droits d’exploitation de manifestations sportives, responsables de la billetterie, et leurs clients.

Le domaine est défini de manière suffisamment large pour couvrir non seulement l’acquisition d’un billet unique pour assister à un concert d’un artiste de passage dans un ville ou à la finale régionale de danse sur glace mais aussi les contrats d’abonnement à une saison à l’opéra ou de son équipe de football favorite.

Dans les deux cas, il importe peu que les billets soient vendus directement par les organisateurs ou par des intermédiaires, comme c’est fréquemment le cas pour les spectacles vivants. Pour autant, le régime dérogatoire est à mettre en œuvre par les organisateurs eux-mêmes.

L’identité de régimes se fonde sur l’idée que dans les deux cas le client va assister à un spectacle vivant ou sportif sur les lieux sur lesquels il se déroule. En revanche, il ne couvre pas l’abonnement à une chaîne de télévision diffusant le spectacle vivant ou la manifestation sportive.

Services associés. Par ailleurs, le régime d’exception est étendu aux services associés à ces spectacles vivants ou sportifs. On songe notamment au transport et à l’hébergement qui peuvent être concomitants à la participation par un client à un spectacle vivant ou une manifestation sportive. Encore faut-il que ce service « associé » soit proposé par l’organisateur du spectacle vivant ou sportif lui-même ou du moins qu’on soit en présence d’un contrat lié de manière indivisible à la manifestation artistique ou sportive. Si les services sont divisibles, leur résolution est soumise au droit commun. Toutefois, si le spectacle vivant ou la manifestation sportive s’inscrit dans un forfait touristique ou une prestation de voyage liée, il faudra prioritairement faire application des dispositions de l’ordonnance du 25 mars 2020 (Ord. n° 2020-538, 7 mai 2020, art. 1er, I, in fine). Au demeurant, ce dernier régime est aussi applicable si le client d’une agence de voyage a eu recours à un forfait touristique pour organiser son déplacement à une manifestation sportive ou artistique. Les contrats étant divisibles, il faudra faire une application distincte des régimes dérogatoires prévues par les ordonnances des 25 mars et 7 mai 2020.

Abonnements aux salles de sport. L’article 2 de l’ordonnance du 7 mai 2020 complète le régime prévu au sujet des manifestations sportives. Mais cette fois-ci ; ce n’est plus le sportif passif qui est visé – celui qui regarde les autres faire du sport – mais le sportif actif, celui qui se rend dans une salle où pratiquer son sport. L’article 2 vise plus particulièrement les contrats d’accès aux établissements dans lesquels sont pratiquées des activités physiques ou sportives conclus entre les exploitants de ces établissements et leurs clients. Sont certainement d’abord visées les abonnements à des salles de sports auxquels on peut ajouter l’accès aux piscines pour des entraînements sportifs.

À l’instar des ventes de la billetterie pour les manifestations sportives, le régime est étendu aux services associés. Mais si ceux-ci s’intègrent dans un forfait touristique ou une prestation de voyage liée, c’est le régime de l’ordonnance du 25 mars 2020 qui s’applique en priorité.

B. Les conditions d’application

Résolution du contrat. Les ordonnances des 25 mars et 7 mai 2020 intéressent la résolution des contrats entrant dans leur champ d’application. Il s’agit plus particulièrement d’une résolution fondée sur  l’article 1218 du Code civil (Ord. 2020-315, 25 mars 2020, art. 1er, II, et ord. n° 2020-538, 7 mai 2020, art 1er, II et 2, II). La crise sanitaire liée au covid-19, ou plus précisément, les mesures de confinement et les interdictions de rassemblement adoptées pour lutter contre la pandémie remplissent les conditions de la force majeure contractuelle (C. civ., art. 1218, al. 1er). Les interdictions de rassemblement ont conduit à annuler toutes les manifestations sportives et artistiques ou les forfaits touristiques organisés durant la période d’urgence sanitaire. De même, durant le confinement, les salles de sports et autres piscines ont été fermées empêchant ains les abonnés d’y accéder. Pour les professionnels du tourisme, les organisateurs de manifestations sportives ou artistiques et les établissements sportifs, comme pour tout autre professionnel, la crise sanitaire et les mesures légales et règlementaires de lutte constituent un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat. Du moins en est-il ainsi pour tous les contrats conclus antérieurement à l’adoption de ces mesures. Les effets de cet évènement ne pouvant être évités par des mesures appropriées, il empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. Ainsi lorsque le contrat est conclu avant l’état d’urgence sanitaire pour une exécution située durant cet état, le professionnel ne peut exécuter ses obligations à raison d’un cas de force majeure contractuelle.

Les conséquences de la force majeure contractuelle varient selon que l’empêchement est définitif ou temporaire (C. civ., art. 1218, al. 2). Lorsque l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations sous réserve des restitutions consécutives à la résolution. En l’absence de ces ordonnances, ce régime aurait été applicable aux manifestations ou voyages programmés durant la période d’urgence sanitaire. En cas d’empêchement temporaire, les obligations sont seulement suspendues, sauf si le retard est tel qu’il justifie la résolution. En application du droit commun, la suspension est un régime qui aurait pu s’appliquer aux abonnements à des établissements sportifs : les obligations réciproques des parties sont suspendues durant la période d’urgence sanitaire et reprennent à la fin de l’empêchement.

La résolution étant fondée sur la force majeure contractuelle, il faut en déduire que le contrats conclus depuis l’entrée en vigueur de ces mesures n’encourent pas de risque de résolution sur ce fondement. L’événement n’étant plus imprévisible, il n’y a plus de force majeure.

Cas particulier forfaits touristiques et services touristiques. Le Code du tourisme prévoit déjà la possibilité de résoudre le contrat avant le début du voyage en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables sur le lieu de destination (C. tourisme, art. L. 211-14). Le voyagiste peut se prévaloir de cette résolution lorsqu’il est empêché d’exécuter le contrat en raison de ces circonstances. Les conditions strictes de la force majeure n’ont donc pas à être réunies pour que ce régime soit applicable : si on retrouve le caractère inévitable, l’événement ne doit pas être imprévisible : il n’est – si l’on peut dire – qu’exceptionnel. Quoi qu’il en soit, ce mécanisme peut être mis en œuvre lorsque, a fortiori, les conditions de la force majeure sont remplies. Que ce soit le voyageur ou le professionnel qui met en œuvre cette résolution, le voyageur a droit a son remboursement en temps normal. Mais ni le professionnel ni le voyageur n’ont à percevoir une quelconque indemnité du fait de cette rupture du contrat.

Nécessité d’une notification. Lorsque les conditions de la force majeure contractuelle sont réunies, l’article 1218, alinéa 2, prévoit une résolution de plein droit en cas d’empêchement définitif. Celle-ci s’opère ainsi sans décision judiciaire (F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil, Les obligations : Précis Dalloz 12e éd., 2018, n° 760). Pour autant, il convient tout de même que les parties s’en prévalent. En l’occurrence, les deux ordonnances prévoient que la révolution doit faire l’objet d’une notification. Celle-ci peut être mise en œuvre tant par le professionnel que par le client (Rapport au Président de la, République relatif à l’ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 ; Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-538 du 7 mai 2020 : JO 8 mai 2020). L’ordonnance ne précise pas les formes que doit prendre la notification. Pour des questions de preuve, il convient de recourir à un moyen écrit qui puisse être daté, la date étant importante pour déterminer si le régime d’exception s’applique ou s’il faut appliquer le droit commun de la résolution.

Le système étant conçu pour protéger les professionnels, il y a lieu de penser que ce sont ces derniers qui notifieront la résolution du contrat à leur client. Pour profiter de ce régime, il faut que la notification intervienne durant une certaine période.

Moment de la notification. Les professionnels pourront faire usage du régime dérogeant au droit commun des restitutions lorsque la notification de la résolution est faite avant le 15 septembre 2020 inclus (Rapport au Président de la, République relatif à l’ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020). La date de clôture est la même pour tous les contrats. Si un professionnel n’a pas notifié la résolution du contrat avant cette date, le droit commun devient applicable. Il en résulte que le client peut réclamer le remboursement immédiat et intégral des sommes qu’il a versées, sans compter les intérêts moratoires (C. civ., art. 1229, al. 3 et art. 1252-6).

En revanche, le point de départ varie selon la nature des contrats. Pour les contrats d’accès aux manifestations sportives ou artistiques ou d’accès aux établissements sportifs, le régime dérogatoire concerne les notifications faites à compter du 12 mars 2020, conformément à la loi l’habilitation (L. n° 2020-290 du 23 mars 2020, art. 11, I). Il est vrai qu’avant cette date les manifestations pouvaient se tenir : aucune résolution fondée sur l’urgence sanitaire n’était justifiée. Pour les contrats touristiques, la notification de la résolution doit être intervenue au plus tôt le 1er mars 2020 (Ord. 2020-315, 25 mars 2020, art. 1er, I) comme l’y autorise la loi d’habilitation (L. n° 2020-290 du 23 mars 2020, art. 11, I, 1°, c). La prise en compte d’une date antérieure pour les contrats de voyages touristiques se justifie dans la mesure où les voyagistes étaient déjà confrontés antérieurement par la résolution des contrats en application des dispositions du Code du tourisme. Lorsque le voyage ne pouvait être effectué en raison de la fermeture des frontières de pays étrangers à raison de l’épidémie. La date de notification a donc son importance sur le régime applicable, le client demandait déjà la résolution fondée sur l’article L. 211-14. L’impact financier de la crise sanitaire se faisait déjà sentir pour les agences de voyage ce qui explique qu’une ordonnance a été adoptée plus rapidement à leur sujet. Cela dit, la date du 1er mars a été arrêté arbitrairement par le législateur. Ainsi, lorsqu’un voyageur a réservé en octobre 2019 un séjour en Chine pour le mois d’avril 2020, il est soumis aux dispositions de l’article L. 211-14, s’il notifie sa résolution le samedi 29 février 2020 et obtient un remboursement intégral au plus tard 14 jours après la résolution du contrat (C. tourisme, art. R. 211-10) alors que si la notification est faite le lundi 2 mars 2020, il est soumis au régime dérogatoire et n’aura au mieux un remboursement que 18 mois plus tard.

L’importance du moment pour déterminer l’application du régime dérogatoire aurait nécessité de préciser si la date à prendre en compte est l’émission de la notification de résolution ou celle de la réception par le destinataire. Sous réserve d’une précision apportée par la loi de ratification de ces ordonnances, on peut penser que c’est la date d’émission de la notification qui conduit à l’application du régime dérogatoire.

II. Le régime des effets de la résolution du contrat

Les ordonnances des 25 mars et 7 mai 2020 ont principalement pour objet de modifier les conséquences de la résolution du contrat fondée sur la force majeure. En pratique, la résolution du contrat aurait principalement pour effet d’obliger le professionnel à restituer l’acompte, voire le prix versé par le client. En revanche, il ne pèse aucune obligation de restitution sur le client puisque, par hypothèse, la prestation du professionnel n’a pas été exécutée. Cela constitue ainsi une très lourde charge financière pour des professionnels qui, par ailleurs, voient leurs ressources diminuer, voire totalement disparaître en raison d’une cessation temporaire d’activité liée au confinement. Pour résoudre ces difficultés économiques et financières, le Gouvernement a imaginé un mécanisme permettant de proposer une solution de substitution évitant le remboursement immédiat (A). Cette solution n’est que temporaire. Le droit commun retrouve son empire si à l’expiration d’une durée variable selon les contrats, l’alternative n’a pas trouvé à être mise en œuvre (B).

A. La substitution aux restitutions

Avoir. Plutôt que de procéder à un remboursement en argent, les ordonnances permettent au professionnel d’offrir un avoir à leur client (Ord. 2020-315, 25 mars 2020, art. 1er, II et ord. n° 2020-538, 7 mai 2020, art 1er, II et 2, II). L’intérêt de proposer un avoir est d’éviter toute sortie immédiate d’argent pour le professionnel. En outre, il fidélise le client qui pour utiliser cet avoir devra recourir aux prestations du même professionnel.

Le choix de proposer un avoir appartient pleinement au professionnel. Lorsque la proposition est faite, le client n’a pas le droit de demander le remboursement. Du moins, il ne peut le réclamer immédiatement (Ord. 2020-315, 25 mars 2020, art. 1er, III, al. 1er et ord. n° 2020-538, 7 mai 2020, art 1er, III, al. 1er et 2, III, al. 1er).

Information du client. Lorsqu’un avoir est proposé par le professionnel, le client est informé sur un support durable au plus tard trente jours après la résolution du contrat, ou, si le contrat a été résolu avant la date d’entrée en vigueur de la présente ordonnance, au plus tard trente jours après cette date d’entrée en vigueur. Pour être complète, l’information précise le montant de l’avoir. Ce montant doit correspondre à l’intégralité des paiements effectués au titre des prestations non réalisées du contrat résolu. L’information porte aussi sur les conditions de délai et de durée de validité de prestations de substitution que le professionnel doit proposer pour utiliser cet avoir (Ord. 2020-315, 25 mars 2020, art. 1er, III, al. 1er et ord. n° 2020-538, 7 mai 2020, art 1er, III, al. 1er et 2, III, al. 1er).

Aucune sanction n’est expressément prévue si le délai de trente jours n’est pas respecté. On peut penser que le professionnel est alors déchu de son droit de proposer un avoir et doit rembourser immédiatement son client.

Obligation de proposer une prestation de substitution. Le professionnel qui opte pour une conservation des fonds et la proposition d’un avoir a alors une obligation de proposer une prestation équivalente permettant au client d’utiliser son avoir (Ord. 2020-315, 25 mars 2020, art. 1er, IV et ord. n° 2020-538, 7 mai 2020, art 1er, IV et 2, IV). Pour ce qui est du prix de cette prestation, il ne peut être supérieur en principe au prix du contrat résolu. Toutefois, une majoration est possible au sujet des services associés prévus par le contrat résolu. Pour les forfaits touristiques, il est précisé que, le cas échéant, le client doit payer le solde du contrat initial, ce qui est conforme à la pratique des acomptes dans ce secteur économique. Pour les billets et abonnements à des manifestations artistiques ou sportives, la pratique est de recourir à un paiement intégral : aucun solde n’est à payer par le client.

La proposition doit être formulée au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la notification de la résolution (Ord. 2020-315, 25 mars 2020, art. 1er, V et ord. n° 2020-538, 7 mai 2020, art 1er, V et 2, V). Ce délai est relativement bref, tout particulièrement pour les voyagistes. En cas de résolution antérieure à l’adoption de l’ordonnance, il dispose jusqu’au 26 avril pour proposer un avoir. A compter de cette proposition, il doit dans les trois mois, c’est-à-dire au plus tard le 26 juillet pour formuler une proposition alternative. À cette, les offres de voyages risquent encore d’être réduites en fonction des restrictions maintenues dans les pays de destination.

Durée de l’offre. La « proposition » n’est rien d’autre qu’une offre de contrat. Sa durée de validité est fixée par les ordonnances et varie selon l’objet du contrat. Pour les contrats d’accès aux salles de sport, l’offre doit préciser sa durée qui est au plus de six mois à compter de la réception de l’offre. Pour les contrats d’accès à des spectacles vivant, la proposition ne peut excéder douze mois à compter de sa réception. Pour les contrats d’accès aux manifestations sportives, la durée est de 18 mois. La même durée est prévue au sujet des offres faites par les prestataires du tourisme. De manière assez maladroite, l’ordonnance du 25 mars 2020, adoptée dans l’urgence, ne précise pas le point de départ de ce délai. Par analogie avec l’ordonnance du 7 mai 2020 – plus aboutie – c’est la réception de la proposition qui devrait faire courir le délai.

Choix du client. Si le professionnel doit proposer une prestation alternative à celle prévue au contrat résolu, le client n’a aucune obligation de l’accepter. Le client peut demander une autre prestation que celle proposée par le professionnel. Dans ce cas, la proposition faite par le professionnel peut avoir un prix supérieur : mais le professionnel doit tenir compte de l’avoir dans son offre si bien que le client n’aura à payer que le solde (Ord. 2020-315, 25 mars 2020, art. 1er, VI et ord. n° 2020-538, 7 mai 2020, art 1er, VI et 2, VI). Le client peut aussi se procurer une prestation d’un coût moindre auprès du professionnel en utilisant partiellement son avoir. L’avoir est divisible. La solution ressort implicitement des règles prévues au sujet du remboursement à l’expiration de l’offre obligatoirement faire par le professionnel (V. B).

B. Le retour du droit commun

Remboursement. Lorsque, à l’expiration du délai légal, le client n’a pas accepté l’offre de contrat que droit proposer le professionnel, celui-ci doit procéder au remboursement des sommes reçues au titre du contrat résolu dans les conditions du droit civil. Si le client a utilisé partiellement son avoir, le professionnel rembourse le solde de l’avoir non utilisé (Ord. 2020-315, 25 mars 2020, art. 1er, VII et ord. n° 2020-538, 7 mai 2020, art 1er, VII et 2, VII). Aucune demande particulière du client n’est en théorie nécessaire pour obtenir ce remboursement à terme.

Si le professionnel  a une obligation de remboursement qui doit être exécutée spontanément, on peut regretter que les ordonnances ne prévoient aucun délai pour procéder au remboursement du client à l’expiration du délai légal, comme cela existe en droit de la consommation (V. au sujet en cas d’utilisation de la faculté de rétractation dans les contrats hors établissement ou à distance : C. conso., art. L. 221-24). C’est un point qui pourrait être amélioré par la loi de ratification.

Ces offres dont la durée varie de six à dix-huit mois permet ainsi au professionnel de retarder le moment du remboursement, voire de s’en affranchir si le client utilise son avoir. C’est peut-être l’intérêt du client d’utiliser cet avoir plutôt que d’espérer un remboursement à terme. En effet, en fonction de sommes à rembourser, il est à craindre que certains professionnels soient en état de cessation des paiements au moment où une demande de remboursement deviendra possible. Dans ce cas, la créance chirographaire du client sera irrécouvrable.

Absence de remboursement. Les ordonnances subordonnent le remboursement à l’absence de conclusion d’un contrat fondé sur la proposition de prestation alternative faite par le professionnel. Lorsque le client a accepté la proposition faite par le professionnel, celui-ci n’a aucune somme à restituer. Il en va évidemment ainsi si l’offre correspond au montant de l’avoir. Par compensation, les obligations réciproques d’un même montant s’éteignent (C. civ., art. 1347). Les ordonnances ne faisant aucune distinction, il en est de même, semble-t-il, lorsque l’offre faite est d’un montant moindre que le prix du contrat résolu. On peut expliquer l’extinction de l’obligation du professionnel par une novation par substitution d’obligation (C. civ., art. 1329). L’obligation de restitution d’une somme d’argent du professionnel est novée en obligation de prestation de service.

Annexe :Tableau comparatif – Ord. 25 mars 2020 – Ord. 7 mai 2020