RAPPORT SCIENTIFIQUE DE SYNTHÈSE DU COLLOQUE INTERNATIONAL « LA DOUANE FACE AUX DÉFIS D’UN MONDE EN MUTATION », M-K. Kadiri

Colloque organisé par le CRDT, Université de Reims Champagne-Ardenne avec la Direction générale des douanes et droits indirects sous la responsabilité scientifique de MM. Serge Sur, Académie des Sciences morales et politiques – Institut de France ; Jean-Luc Albert, Aix-Marseille Université et Franck Durand, Université de Reims Champagne-Ardenne, membres du Conseil scientifique de la douane les 9 et 10 mars 2023

LE PROGRAMME

Kamel Mustapha KADIRI

Doctorant à l’Université de Haute-Alsace

Membre du CERDACC (UR 3992)

Partie I : Journée du 9 mars 2023

Le colloque qui s’est tenu les 9 et 10 mars 2023 a réuni des experts, des universitaires et des professionnels de la Douane pour discuter des défis multiples auxquels cette administration est confrontée. Au cours de ces deux jours, les participants ont examiné les évolutions récentes de l’Administration des Douanes et les enjeux liés à la mondialisation, aux avancées technologiques et à la criminalité organisée. La Douane est aujourd’hui confrontée à des défis multiples et complexes qui nécessitent une réflexion approfondie et des mesures adaptées pour y faire face. Le Pr. Olivier DUPERON, vice-président du conseil d’administration représentant du Pr. Guillaume GELLE, Président de l’URCA, a pris la parole pour présenter l’Université de Champagne-Ardenne avec un aperçu sur la recherche qu’elle assure. Cette manifestation a donc été l’occasion de débattre de ces enjeux et de proposer des solutions innovantes qui permettent à la Douane de se projeter dans un environnement complexe et évolutif d’une part, et d’autre part de redéfinir ses missions et son rôle dans la protection des intérêts économiques et sécuritaires de notre société. Des universitaires étrangers ont ainsi partagé leurs perspectives sur ces questions. La conclusion du colloque a permis de récapituler les points clés et de mettre en évidence les prochaines étapes à prendre en compte pour faire face aux défis actuels et futurs de la Douane.

M. Guillaume VANDERHEYDEN (Inspecteur des Finances, sous-directeur du commerce international à la Direction Générale des Douanes et des Droits Indirects « DGDDI »), a évoqué les différentes crises ayant impacté la Douane, notamment la crise du COVID-19, la crise du Brexit et la crise en Ukraine. Durant la pandémie inédite du COVID-19, les contrôles douaniers ont en particulier permis de veiller à ce que le marché français des masques réponde aux normes requises. Face au Brexit, la création d’une nouvelle frontière intelligente a été un processus assez long qui a nécessité de l’innovation, mais qui a aussi donné lieu à pas mal de contraintes, notamment en raison de cette proximité étroite géographique des deux partenaires la Grande-Bretagne et l’UE. S’agissant de la guerre en Ukraine, il a été constaté un regain de blocage des marchandises soumises aux vérifications du fait des sanctions à l’encontre de la Russie. Cette présentation a mis en avant les importantes avancées de l’e-commerce et de la digitalisation ainsi que des projets environnementaux face auxquels le domaine douanier est appelé à innover. La réglementation douanière et non douanière doit être appliquée à l’importation pour encourager cette innovation. Il est encore question d’un « Pacte de confiance et de responsabilité pour donner à la Douane son ambition » qui se base sur deux piliers : les marchandises et le territoire.

Lors de son allocution, M. Franck DURAND, (URCA, membre du Conseil scientifique de la Douane), a mis en avant l’importance de l’activité douanière en présentant quelques chiffres qui témoignent de l’efficacité de cette activité : une recette de 1,5 milliard d’euros en 2022 et la saisie de 615 tonnes de cannabis et de cocaïne. Ces chiffres montrent que la lutte contre les stupéfiants représente une part importante des affaires traitées par la Douane, soit entre 60% et 85%. Au-delà de la lutte contre les trafics illicites, la Douane a également un rôle crucial dans la régulation du commerce extérieur en contrôlant les marchandises aux frontières. La Douane est ainsi à la fois un outil de sécurisation et de facilitation complémentaire pour les échanges commerciaux. Il a terminé en présentant les travaux de ce colloque qui s’est principalement articulés autour de deux grands axes :

  1. La Douane, une administration en mutation 
  2. La Douane, partenaire des entreprises

La première partie s’est déroulée sous la présidence du Professeur Serge SUR, (Académie des Sciences morales et politiques – Institut de France, président du Conseil scientifique de la Douane).

Le Conseil scientifique de la Douane comprend 20 membres des universitaires spécialisés en droit international et douanier ainsi que des économistes et des experts en nouvelles technologies. Les missions de ce groupe consultatif, sollicité par la Douane, consistent à donner des avis et des recommandations, mais la décision finale revient à la Douane. M.SUR a abordé trois thèmes : l’évolution de la douane, l’européanisation de la douane et l’intelligence artificielle. Il s’est souvenu que la Douane est une administration centenaire qui a connu des transformations profondes depuis son rôle original consistant à taxer les ressources et les marchandises. Avant la Douane, c’était la ferme générale qui taxait notamment le sel. La raison d’être de la Douane a parallèlement évolué, passant du protectionnisme (colbertisme) : protéger des exportations extérieures pour développer l’économie intérieure, au développement du libre-échange, et ce, par le renforcement de l’action de la Douane dans l’accompagnement des entreprises et la mission d’empêcher le franchissement des produits prohibés d’atteindre le territoire français, et ce, en assurant le respect des normes pour protéger le consommateur et certaines espèces protégées.

(Sources : le site de la douane française)

1-La Douane, acteur de la transformation publique 

Il revient à M. Amaury DECLUDT, (chef de la délégation a la Stratégie de la Direction Générale des Douanes et des Droits Indirects « DGDDI ») de rappeler que la Douane joue un rôle clé dans la transformation publique en remplissant diverses missions, telles que la collecte de taxes et la récupération de ressources pour l’État, la protection de l’industrie nationale, la facilitation des échanges internationaux tout en assurant la protection des intérêts nationaux, la prévention et la lutte contre les mouvements de marchandises illégales. Pour remplir ces missions, la Douane doit s’adapter à un monde de plus en plus libéralisé et mettre en place des mesures de contrôle et de surveillance efficaces en partenariat avec d’autres agences nationales et internationales. La transformation publique a été introduite en 2017 pour moderniser l’action publique, avec comme objectifs d’améliorer l’image de l’administration et les services rendus aux citoyens et d’optimiser l’utilisation des ressources pour renforcer les performances de l’État. L’administration doit être considérée comme un acteur actif de sa propre transformation en proposant des innovations et en s’adaptant aux enjeux de la société et aux besoins des citoyens pour être plus efficace dans ses missions.

L’orateur estime que la Douane doit élaborer une stratégie claire pour atteindre ses objectifs et jouer un rôle actif dans sa propre transformation en proposant des innovations et des évolutions pour répondre aux besoins des citoyens. Il précise, de plus, que les outils tels que le contrat d’objectif et de moyen et la mise en place d’un Conseil scientifique peuvent aider la Douane à atteindre ses objectifs. Le contrat d’objectif et de moyen est un outil important pour cette planification en offrant une visibilité sur les moyens qui sont alloués à la Douane. L’innovation technologique est également cruciale, avec l’utilisation de drones et la valorisation des données, pour mieux contrôler les flux des marchandises et garantir leur traçabilité. En conséquence, il encourage une collaboration entre le milieu académique et professionnel pour nourrir la réflexion prospective et la stratégie de la Douane en vue de développer des solutions innovantes pour la gestion des flux de marchandises.

En résumé, la Douane joue un rôle important dans la transformation publique de l’État en travaillant à améliorer son efficacité et à mieux répondre aux besoins des citoyens. Pour y parvenir, elle doit se fixer des objectifs précis et élaborer un plan stratégique pour les atteindre.

2-Les défis du soutien à l’activité économique et à l’attractivité du territoire

M. Guillaume VANDERHEYDEN, (sous-directeur du commerce international à la DGDDI) reprend la parole pour souligner que le soutien à l’activité économique et à l’attractivité du territoire est un enjeu important pour la Douane. En effet, en accompagnant les entreprises, en leur offrant des services personnalisés pour optimiser leur activité, tels que le statut de l’opérateur économique agréé (OEA), France SESAME ou encore l’accompagnement pour l’optimisation douanière. La Douane propose également des services pour les grands comptes (SGC). La mise en place du Code des Douanes de l’Union (CDU) implique une collaboration étroite entre la Douane française et les autorités européennes pour mettre en œuvre sa politique douanière et commerciale en cohérence avec les orientations européennes, et ce, au moyen du « sourcing » comme vecteur d’information collectés sur les mouvements de marchandises, à même de pouvoir aiguiller les entreprises dans leur décision d’achat. L’intervenant a mis en exergue l’importance de l’action économique de l’État dans une démarche stratégique globale. La Douane doit travailler en étroite collaboration avec les autorités européennes pour mettre en œuvre sa politique douanière et commerciale en cohérence avec les orientations européennes.

 L’initiative française de dédouanement national centralisé permet ainsi de déclarer les marchandises dans un bureau et de les présenter dans de nombreux bureaux, ce qui nécessite une adaptation logistique pour faciliter le dédouanement des marchandises. L’objectif de la Douane est de favoriser le dédouanement en France en simplifiant et modernisant les procédures douanières pour permettre une gestion efficace des flux de marchandises. La Douane propose plusieurs outils et procédures pour faciliter le dédouanement en France.

La réglementation douanière est encadrée par le CDU, mais les États-membres ont une certaine flexibilité pour mettre en œuvre leurs propres procédures douanières. La Douane française contrôle les déclarations des entreprises pour prévenir les fraudes et optimiser les flux de marchandises. Le dédouanement centralisé national permet de faciliter le passage en douane en déclarant les marchandises dans un bureau et en les présentant dans de nombreux autres bureaux. Cependant, cela nécessite une adaptation logistique pour garantir une gestion efficace des flux de marchandises.

Lors de son intervention, l’orateur a mentionné le statut OEA, qui permet d’établir une relation de confiance entre la Douane et les opérateurs économiques. Ce statut vise à simplifier les procédures douanières pour ces opérateurs qui réalisent des opérations régulières dans les départements et régions d’outre-mer « DROM » et en Nouvelle-Calédonie, en mettant en place des procédures internes de contrôle et de gestion des opérations douanières. La Douane française est tout autant engagée dans sa transformation numérique pour améliorer l’efficacité et la rapidité de ses contrôles. Les systèmes d’analyse de risques et de ciblage sont mis en place pour mieux cibler les opérations à contrôler et à optimiser les ressources de la Douane. La Douane est, de plus, interconnectée avec les systèmes d’autres administrations pour faciliter les échanges de données et la coopération entre les différents services de l’État. Enfin, la Douane utilise les technologies numériques pour proposer des services en ligne, simplifier les procédures douanières et offrir une meilleure prestation aux opérateurs économiques.

3-La Douane et les enjeux du transport maritime

Le Directeur Régional des Douanes du port du Havre, M. Perry MENZ, met en avant l’importance du transport maritime dans les échanges commerciaux mondiaux, représentant environ 95% de ces échanges. Il précise que les conteneurs sont devenus des éléments clés du transport maritime, permettant de réduire les coûts de transport en optimisant l’espace de stockage sur les navires. Il mentionne également la mutation professionnelle de la conteneurisation dans les années 50 et 60, qui a entraîné la massification des flux de marchandises. Les ports doivent donc disposer d’infrastructures adaptées pour répondre aux besoins en constante évolution du transport maritime. Il évoque les enjeux écologiques du transport maritime, qui malgré sa place prépondérante dans les échanges commerciaux mondiaux, ne contribue qu’à environ 15% des émissions de CO2 liées à la logistique de transport. L’orateur insiste sur l’importance de prendre en compte ces enjeux écologiques dans le développement des infrastructures portuaires et la gestion des flux de marchandises. Il met, par ailleurs, en lumière les crises et les facteurs de désorganisation dans le secteur du transport maritime, qui ont des répercussions importantes sur les coûts et les enjeux sécuritaires. Il détaille encore les enjeux sécuritaires liés au transport maritime, notamment dans le cadre du trafic de stupéfiants. Le rôle de la Douane dans la chaîne logistique est crucial, car elle est chargée de la répression et du contrôle des flux de marchandises, ainsi que de faciliter les échanges dans le cadre de l’e-commerce. Elle doit donc faire face à des enjeux multiples tels que la gestion des crises, la sécurisation des flux de marchandises, la facilitation des échanges et le soutien à l’activité économique. Pour affronter ces défis, il est important de mettre en place des stratégies adaptées pour une gestion efficace de la chaîne logistique.

La Douane joue un rôle fondamental dans la lutte contre les trafics illicites, notamment dans le cadre du transport maritime. Les saisies de drogue ou d’armes sont des exemples marquants de l’importance de la mission de la Douane, qui doit surveiller et contrôler les flux de marchandises pour protéger la société des dangers que représentent ces trafics. La coopération internationale est un autre élément clé dans cette lutte, permettant de renforcer l’efficacité des actions menées et d’assurer une meilleure coordination entre les différentes administrations douanières et les autorités judiciaires. Effectivement, il y a des techniques de détection qui sont très importantes pour la Douane dans sa mission de lutte contre les trafics illicites. La prévention de l’entrée de ces marchandises sur le territoire national est primordiale pour protéger la société et assurer la sécurité publique. Cependant, il est aussi important de ne pas oublier que ces techniques de détection doivent entre mises en œuvre dans le respect des droits fondamentaux, tels que le respect de la vie privée et de la protection des données personnelles, afin de garantir que les fouilles sont effectuées de manière légale et éthique. La Douane doit donc s’assurer que ces techniques sont utilisées de manière responsable et proportionnée, en veillant à ce qu’elles ne portent pas atteinte aux droits et libertés individuelles.

En effet, la Douane peut contribuer à la régulation du transport maritime en s’assurant que les entreprises respectent les réglementations en vigueur, en particulier en matière de sécurité, de sûreté et de protection de l’environnement. Elle peut également mettre en place des contrôles douaniers pour lutter contre les fraudes et les trafics illicites, ce qui peut contribuer à garantir des échanges commerciaux plus équitables et plus sûr. Concrètement, la Douane peut accompagner les entreprises dans leur développement à l’international en les aidants à se conformer aux réglementations douanières et fiscales en vigueur dans les différents pays. Dans ce contexte, la Douane peut jouer un rôle clé dans la régulation de la mondialisation et dans la promotion d’un commerce international responsable et durable.

L’adaptation rapide et efficace aux changements est essentielle pour les organisations, y compris pour la Douane, qui doit être capable de faire face aux crises et aux changements rapides dans le secteur du transport maritime. La mise ne place de procédures agiles et flexibles, ainsi que la collaboration avec les autres acteurs de la chaîne logistique, peuvent aider à surmonter ces défis et à maintenir la fluidité des opérations de transports. Les avancées technologiques, telles que l’automatisation des processus douaniers et la numérisation des échanges commerciaux, peuvent de leur côté, contribuer à une plus grande efficacité et à une réduction des coûts de transport. Elle doit continuellement renforcer sa collaboration avec les acteurs de la supply chain et s’appuyer sur les dernières technologies pour améliorer son efficacité tout en garantissant la sécurité des échanges commerciaux. L’importance de la Douane dans le commerce extérieur, en tant que garant de la sécurité et de la fluidité des flux de marchandises. L’orateur met en avant les évolutions et les défis actuels dans ce domaine, tels que l’accélération de la massification des échanges, la transition écologique, les crises multiples et la lutte contre le terrorisme et le trafic de stupéfiants. Il reprécise de ce fait l’importance de réguler la mondialisation pour garantir des conditions de concurrence «équitable et respectueuses des droits environnementaux ».

Il met en évidence les enjeux majeurs auxquels la Douane est confrontée dans un contexte de mondialisation des échanges commerciaux. La réduction des coûts de transport et l’optimisation des flux, la préservation de l’environnement, la lutte contre le terrorisme et le trafic de stupéfiants, ainsi que la régulation de la concurrence déloyale sont autant de défis auxquels la Douane doit faire face. Pour y répondre, la Douane doit s’adapter en permanence, en utilisant des technologies innovantes, en favorisant la dématérialisation des procédures douanières et en collaborant avec les différents acteurs de la supply chain pour assurer la sécurité et la fluidité des flux de marchandises. Toutefois, la Douane doit toujours veiller à ne pas négliger l’attractivité des entreprises et des emplois créés en France.

4-La « Gangstérisation » des relations internationales

M. SUR intervient lui-même pour aborder la question de la « gangstérisation », concept qui désigne la transgression organisée des règles internationales. Partant du développement d’une corruption diffuse qui facilite cette transgression et l’importance de comprendre les mécanismes pour mieux la combattre, il appelle à une réflexion sur les conséquences de la « gangstérisation » sur les règles internationales et à la mise en place de mesures efficaces pour y faire face. Il rappelle, par ailleurs, la dégradation du contexte international au cours des dernières décennies, marquée par les attentats du 11 septembre 2001, la crise économique de 2007-2009, et la pandémie de COVID-19 de 2020-2021, qui ont engendré des défis et des aléas. Il invite ainsi une réflexion sur des nouvelles dispositions pour faire face à ces enjeux.

M. SUR insiste sur l’importance de l’emprise de l’État sur la vie publique pour lutter contre l’enrichissement de la délinquance. Lorsque l’État ne remplit pas complètement ses missions régaliennes, cela peut conduire à des défaillances régaliennes dans les États défaillants ou au retrait volontaire de l’État dans la vie économique, ce qui favorise la paupérisation des États. En outre, l’ouverture des frontières facilite les trafics en tous genres. La corruption, qui touche la plupart des démocraties, est également responsable de l’enrichissement de la délinquance. Pour lutter contre ce phénomène, M. SUR invite à une réflexion sur les mesures à mettre en place pour renforcer l’emprise de l’État sur la vie publique, pour mieux contrôler l’ouverture des frontières et pour combattre la corruption.

Cette communication aborde aussi la question de la défaillance régalienne dans certains pays, qui est caractérisée par le manque de légitimité de l’État. Cette situation peut être due à la prédominance de structures tribales ou religieuses, qui peuvent conduire à une absence de culture de l’État et à une absence d’intérêt général, notamment en matière de collecte d’impôts. Un autre facteur qui contribue à la défaillance régalienne est la démographie, avec une multiplication de la population africaine résultant de l’abandon de la politique des naissances, entraînant des problèmes de grand exode. Il articule l’importance de renforcer la légitimité de l’État et de promouvoir la culture de l’État, ainsi que de trouver des solutions pour résoudre les problèmes liés à la démographie. Il mentionne la diversité et la complexité de la corruption ainsi que la présence de conflits d’intérêts multiples qui compliquent la lutte contre celle-ci. La corruption peut prendre de nombreuses formes et il est important de comprendre cette diversité pour trouver des solutions efficaces. L’évaluation de la corruption est également cruciale, ainsi la criminalité réelle est difficile à mesurer car elle est souvent cachée. La création d’un parquet européen est une innovation importante dans la lutte contre la corruption, mais les jugements restent nationaux, limitant son efficacité. En somme, ces propos démontrent l’importance de lutter contre la corruption et de trouver des moyens de le faire à l’échelle européenne. Cette intervention prouve l’importance de la lutte contre la corruption et propose plusieurs mesures pour y parvenir. La première mesure consiste à développer la culture de l’État et de l’intérêt général pour prévenir la corruption. La répression de la corruption est encore évoquée, mais il est noté que les mesures actuelles sont souvent insuffisantes, en particulier au niveau international. La création d’une CJI pénale est également suggérée, mais sa portée est limitée aux crimes de guerres et aux crimes contre l’humanité. Enfin, il est proposé d’adopter des mesures plus radicales pour éradiquer la corruption, notamment en s’inspirant des mesures prises pour lutter contre le terrorisme.

5-La Douane, acteur de la sécurité

M. DURAND (URCA – membre du Conseil scientifique de la Douane) revient sur la distinction entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure. La première est assurée à l’intérieur des frontières par la police, tandis que la seconde est assurée à l’extérieur des frontières par les forces de l’ordre. Ces deux formes de sécurité sont complémentaires et constituent la sécurité nationale. La loi confère aux agents des douanes la compétence de contrôler les marchandises et de percevoir les taxes. Cette compétence est inscrite dans l’article L111-1 alinéa 2 du code de la sécurité intérieure[1]. La Douane travaille d’ailleurs en coopération avec le Groupe Interministériel de Recherches (GIR) avec les policiers, les gendarmes et la Douane, conformément à l’article L-111-2 alinéa 2 du même code. Le rapport Faubert de 2008 souligne que la sécurité nationale tend, de plus en plus, à constituer un continuum, conduisant à la création d’une Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE) et d’une Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI). La Douane a un rôle important dans la sécurité intérieure en assurant le contrôle des marchandises et la perception des taxes. Les services spécialisés tels que le Service Enquête Judiciaire des Finances (SEJF) et le Service National des Douanes Judiciaire (SNDJ) sont chargés de lutter contre la fraude fiscale et douanière et de participer à la recherche et à l’analyse du renseignement financier en collaboration avec les services de police et de gendarmerie. Les Groupes d’Intervention Régionaux, rebaptisés Groupes Interministériels de Recherche « GIR »[2] ont été créé, en 2002, pour renforcer cette coopération en rassemblant des compétences diversifiées pour lutter contre les trafics, en particulier dans les quartiers sensibles, en visant la drogue et l’économie souterraine. Cependant, certains contestent la légalité de l’exercice des GIR en raison de leur atteinte à la séparation des compétences. Un recours a ainsi été déposé devant le Conseil d’État qui a délivré aux GIR un brevet de légalité « admission »[3]. Les douaniers disposent de compétences différentes de celles de policiers et des gendarmes.

La QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité) est une procédure permettant à tout justiciable de contester la constitutionnalité d’une loi devant le Conseil Constitutionnel. Dans ce contexte, trois QPC ont été soumises au Conseil Constitutionnel concernant les compétences des douaniers :

–        La première QPC (décision n° 2010-32) du 22 septembre 2010, portait sur la retenue douanière.

–        La deuxième QPC (décision n°2013-357) du 29 novembre 2013, portait sur la visite des navires par les agents des douanes.

–        La troisième QPC (décision n°2022-1010) du 22 septembre 2022, a censuré l’article 60 du code des Douanes.

Le rapport Faubert propose un renforcement de la Douane dans la sécurité intérieure tout en respectant les libertés fondamentales, un assouplissement des propositions de transfert de compétences de la Douane vers d’autres administrations, ainsi qu’une participation accrue de la Douane dans les activités de défense et militaire.

En résumé, la Douane française a des compétences en matière de sécurité à différents niveaux, mais elle ne peut être considérée comme une force de sécurité intérieure ou extérieure ni une force militaire. Elle peut, cependant contribuer activement à la sécurité nationale en travaillant en étroite collaboration avec les autres forces de sécurité et de défense, ainsi qu’en appliquant les réglementations douanières et fiscales pour assurer la sécurité économique du pays. La Douane peut également jouer un rôle important dans la facilitation des échanges commerciaux et la coopération avec les entreprises pour renforcer la sécurité.

6-Les enjeux technologiques et numériques

M. Gowtam JINNURI de la DGDDI a listé plusieurs enjeux de sécurité pour la Douane. Il a souligné l’importance de la sécurisation des systèmes d’information pour protéger les informations sensibles et confidentielles de la Douane. Les technologies de l’information et de la communication ont un impact significatif sur les activités de sécurité. Il a encore présenté des exemples de technologies émergentes et leur utilisation dans le domaine de la sécurité, notamment la « Blockchain », l’intelligence artificielle et l’Internet des objets. Il a, par ailleurs, noté l’importance de la coopération internationale pour lutter contre les menaces transfrontalières, comme le terrorisme et la criminalité organisée.

Les technologies émergentes telles que l’intelligence artificielle et le BIG DATA, la « Blockchain », les drones, les lecteurs de plaques d’immatriculation et la remontée de renseignement sont utilisées dans le domaine de la sécurité pour l’analyse de données massives, la surveillance et la reconnaissance, la collecte de renseignements, l’identification de véhicules suspects et la collecte et l’analyse d’informations provenant de sources ouvertes et fermées pour prévenir les crimes et les menaces de sécurité. Ces technologies émergentes ont un impact significatif sur les activités de sécurité. Elles sont utilisées pour la surveillance, la collecte et l’analyse d’informations afin de prévenir les menaces de sécurité et les activités criminelles. La remontée de renseignement est également une technique importante pour identifier les menaces potentielles et fournir des informations précises pour la prise de décisions.

L’intervenant a mis en avant l’importance de la traçabilité des marchandises pour assurer la sécurité douanière et éviter les trafics illégaux. La sécurisation de la traçabilité, ainsi que la perception des droits et taxes sont essentielles pour le bon fonctionnement de la Douane. La DGDDI a pris des mesures pour renforcer la sécurité, y compris la sécurisation des systèmes d’information, la traçabilité des marchandises et la lutte contre les transports de déchets illicites. La Douane utilise des méthodes de détection intrusive pour accomplir ses missions et protéger les consommateurs et l’environnement.

7-La formation des cadres de la Douane

Mme Emmanuelle GIDOIN (Directrice de l’École Nationale des Douanes de Tourcoing-ENDT) présente son établissement qui propose une scolarité de 12 mois pour la formation des futurs agents des douanes. Les étudiants travaillent en petits groupes dans l’une des quatre filières de formation en alternance, et ont également une préparation au concours incluse dans la formation. Elle a ensuite exposé l’appel à projets lancé par la DGDDI pour financer des projets de recherche innovants et pertinents dans les domaines liés à la Douane. Les étudiants et les chercheurs sont encouragés à proposer des projets de recherche pour développer des compétences de recherche utiles pour leur avenir professionnel et pour se familiariser avec les questions d’actualité.

Le compte-rendu des interventions qui ont été présentées vendredi 10 mars sera publié dans le numéro du mois prochain du JAC.


[1] Ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure (JORF n° 0062 du 13 mars 2012, p.16 sur 115).

[2] Référence: circulaire interministérielle en date du 22 mai 2002 portant la mise en place de groupes d’intervention régionaux.

[3] Cf. arrêt du Conseil d’État en date du 9 février 2004, N°248823, Syndicat de la Magistrature.

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