ÉDITO : L’EMPRISE DU DROIT PÉNAL ET LES CHOIX STRATÉGIQUES DES PARQUETS SPÉCIALISÉS , C. Lienhard

Claude Lienhard

Avocat spécialisé en droit du dommage corporel

Professeur émérite à l’Université de Haute-Alsace

Directeur honoraire du CERDACC

L’ordre public pénal est essentiel à notre vie en société.
Il conditionne les comportements et fixe les limites des interdits.

Il est, par nature, protecteur car l’objectif du droit pénal est avant tout de protéger la société lorsque la norme pénale a été transgressée volontairement ou involontairement.

Ici il s’agit de lutter démocratiquement contre le terrorisme, là d’un ordre public de protection contre une délinquance technologique qui engendre des accidents collectifs ou sériels.

L’avènement de pôles judiciaires spécialisés en matière de terrorisme et d’accidents collectifs, localisés principalement à Paris, va de pair avec l’émergence d’un parquet dédié et spécialisé.

Pour mémoire, on rappellera qu’il existe un second pôle accidents collectifs et santé à Marseille.

La prise de position des parquets de ces pôles, dès leur saisine, sur les qualifications puis dans la phase d’instruction et de jugement, est tout sauf anodine.

Elle donne la tonalité et conditionne la dynamique du procès pénal.

Il peut y avoir dissonance avec les positions des parties civiles dont la place n’a jamais été aussi importante et tant reconnue.

Le débat et la réflexion sur la densité de cette présence et l’amplitude des prises de position des victimes devenant parties civiles, sont ouverts.

Les postures sont diverses :

–  victimes porteuses de paroles témoignant des effrois, des souffrances, des pertes irréversibles d’êtres aimés ;

– victimes qui s’érigent en procureurs privés ;

– ou encore victimes plus modérées venant simplement au soutien de l’accusation, rigoureuses mais pas sans audace et ingéniosité tant la matière pénale et la procédure pénale dans leurs dimensions de droit national et supra national sont aujourd’hui foisonnantes de richesse d’interprétations.

Il y a beaucoup de nuances :

Les deux procès hors normes de l’attentat de Nice et du crash de Rio sont une exemplaire illustration de ces problématiques nouvellement perceptibles.

Ainsi en a-t-il été du débat sur la qualification d’association de malfaiteurs terroristes devant la Cour d’assises spéciale qui a jugé et condamné les huit accusés de l’attentat de Nice du 14 juillet 2016.

Cette qualification a été retenue pour deux d’entre eux (A LIRE ICI L’attentat de Nice entre 2 et 15 ans de prison requis par le parquet national anti-terroriste contre les accusés.pdf  et  A LIRE ICI Procès de l’attentat de Nice des peines prononcées allant de deux à 18 ans de réclusion criminelle)

Auparavant, lors des plaidoiries, des nuances s’étaient exprimées.

Et il en va encore de même à propos de la position du parquet dans les réquisitions prise au procès du crash du vol Rio-Paris ayant causé 228 victimes le 1er juin 2019 qui se sont achevées ainsi : « Nous ne sommes pas en mesure de requérir la condamnation d’Air France et d’Airbus. »

A LIRE ICI Crash du Rio-Paris pourquoi le parquet n’a pas requis la condamnation d’Airbus et d’Air France – Le Parisien.pdf

A l’évidence les plaques tectoniques du processus pénal bougent. Les acteurs endossent de nouveaux habits et jouent de nouvelles partitions.

Voilà un territoire à explorer et à décoder.

D’autres procès hors normes s’annoncent, ils devraient conforter notre constat provisoire. Le traitement judiciaire des événements hors normes gérés par les pôles spécialisés modifie en profondeur les pratiques et les postures.

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