Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (UR n°3992)

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LA PROTECTION CONTRE LE RISQUE DE RÉVOCATION PAR UN ACTE EXTRA-STATUTAIRE, P. Schultz

À propos de Cass. com., 12 octobre 2022, n°21-15.382 

Philippe SCHULTZ

Maître de conférences HDR à l’Université de Haute-Alsace

Directeur du Master Droit

Membre du CERDACC

Mots clés : sociétés par actions simplifiée unipersonnelle – révocation – directeur général – indemnisation – statuts – règlement intérieur – pacte extra-statutaire – nullité

Pour se repérer

La société Trade Exhibition Company France est une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) ayant comme unique associé la société Euromédicom.

Le 13 mai 2011, l’associé unique a nommé Monsieur V. directeur général de la SASU. Ce même jour une lettre-accord portant convention de direction est adressée au directeur général mentionnant qu’en cas de révocation il percevra une indemnité forfaitaire égale à six mois de sa rémunération brute fixe. Puis par une décision d’associé unique, le DG est révoqué de ses fonctions le 17 décembre 2014.

La révocation étant intervenue sans juste motif, le directeur général révoqué a assigné à la société Euromédicom, venant aux droits de la société Itec, en paiement d’une indemnité.

Par un arrêt du 18 février 2021, la Cour d’appel de Paris déboute le directeur général révoqué de sa demande d’indemnisation ce qui le conduit à attaquer cette décision. Dans son pourvoi, fondé sur la violation des articles L. 227-1 et L. 227-5 du Code de commerce, ensemble l’article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il reproche à la Cour d’appel d’avoir jugé que seuls les statuts pouvaient déterminer les conditions de la révocation si bien que la décision de l’associé prévoyant par lettre du 13 mai 2011 une indemnité ne pouvait déroger aux statuts stipulant une révocation ad numtum.

Par un arrêt du 12 octobre 2022, la Cour de cassation rejette son pourvoi au motif essentiel que les actes extra-statutaires ne peuvent déroger aux statuts.

Pour aller à l’essentiel

Il résulte de la combinaison des articles L. 227-1 et L. 227-5 du Code de commerce que les statuts de la société par actions simplifiée fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée, notamment les modalités de révocation de son directeur général. Si les actes extra-statutaires peuvent compléter ces statuts, ils ne peuvent y déroger.

Une Cour d’appel décide exactement que le procès-verbal de l’associé unique d’une sociétés par actions simplifiée procédant à la nomination d’un directeur général et qui se référait à une lettre du même jour prévoyant une indemnité en cas de révocation pour juste motif n’avait pas pu valablement déroger à l’article 12 des statuts stipulant que la cessation, pour quelque cause que ce soit et quelle qu’en soit la forme, des fonctions de directeur général, ne donnera droit au directeur général révoqué à aucune indemnité de quelque nature que ce soit.

Pour aller plus loin

Le régime de la société par actions simplifiée se caractérise par une priorité laissée à la liberté contractuelle (P. Merle et A. Fauchon, Droit commercial, Sociétés commerciales : Précis Dalloz 26e éd., 2022, n° 681). Cette liberté se manifeste d’abord par le fait que les dispositions applicables à la société par actions simplifiée sont limitées. Vingt-trois articles spécifiques à la SAS dans le chapitre VII du titre II du livre II de la partie législative du Code de commerce et quatre dans la partie réglementaire sont spécifiquement consacrées à la SAS. Certes, à ces dispositions particulières, il convient d’ajouter les dispositions applicables aux sociétés anonymes compatibles avec ces dispositions particulières. Toutefois, l’article L. 227-1, alinéa 3 du Code de commerce exclut immédiatement les dispositions relatives au mode gestion des sociétés anonymes, ainsi que celles relatives aux assemblées d’actionnaires. La liberté contractuelle se manifeste ensuite par le fait que les dispositions particulières renvoient essentiellement aux statuts pour organiser la société. Ainsi, les statuts fixent-ils les conditions dans lesquelles la société est dirigée ou les décisions devant être prises collectivement par les associés (C. com., art. L. 221- 5 et art. L. 221-9).

Si la liberté contractuelle est bien présente dans le régime de la société par actions simplifiée, elle ne peut pas pour autant s’exprimer sous n’importe quelle forme. Il existe divers documents permettant d’organiser le fonctionnement d’une société. Ceux qui établissent d’abord l’organisation et les règles de fonctionnement sont les statuts (C. civ., art. 1835). D’autres documents permettent de compléter le fonctionnement des sociétés. Il en est ainsi du règlement intérieur qui connaît une consécration légale au sujet de la société anonyme (C. com., art. L. 225-37 et art. L. 225-85). Certains associés peuvent aussi recourir à des conventions particulières extérieures aux statuts. Les pactes d’associés ou pactes extra-statutaires ne sont pas ignorés du législateur (C. com., art. L. 233-3, 2°). Mais quelle est l’efficacité de tels actes extra-statutaires dans les sociétés par actions simplifiées ? C’est la question à laquelle la chambre commerciale de la Cour de cassation répond dans son arrêt du 7 octobre 2022.

En l’espèce, on était en présence d’une société par actions simplifiées unipersonnelle. Légalement cette société devait être dotée d’un président (C. com., art. L. 227-6, al. 1er). Hormis ce président, dont on ignore tout en l’espèce, un directeur général avait aussi été nommé, par une décision de l’associé unique en date du 13 mai 2011. C’est ce directeur général qui a ensuite été révoqué trois ans et demi plus tard par une décision du même associé.  

Les statuts de la SASU décrivaient, en leur article 12, le régime de la révocation d’un directeur général de la société : « le directeur général peut être révoqué à tout moment et sans qu’aucun motif soit nécessaire, par décision de la collectivité des associés ou de l’associé unique ». L’article ajoutait que « la cessation, pour quelque cause que ce soit et quelle qu’en soit la forme, des fonctions de directeur général, ne donnera droit au directeur général révoqué à aucune indemnité de quelque nature que ce soit ». Le choix d’une révocation ad nutum était ainsi exprimé sans ambiguïté par la stipulation statutaire.

Toutefois, lorsque le directeur général a été nommé, le procès-verbal de décision de l’associé unique se référait explicitement à une lettre du même jour adressée au directeur général pour « les modalités de sa rémunération et de sa collaboration de manière générale avec la société ». Or cette lettre indiquait clairement que « en cas de révocation de vos fonctions de directeur général de la société sans juste motif, vous bénéficierez d’une indemnité forfaitaire égale à six mois de votre rémunération brute fixe ». Le courrier était ainsi en totale contradiction avec les statuts antérieurement adoptés. C’est en se fondant sur ce courrier que le directeur général révoqué entendait obtenir de la société une indemnité. Cette indemnité lui est refusée tant par la Cour d’appel de Paris que par la Cour de cassation qui rejette le pourvoi formé contre la juridiction du second degré dans sa décision du 7 octobre 2022.

Dans cet arrêt promis à une publication Bulletin, la haute Juridiction réaffirme le principe selon lequel, il résulte de la combinaison des articles L. 227-1 et L. 227-5 du Code de commerce que les statuts de la société par actions simplifiée fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée en l’appliquant plus particulièrement aux modalités de révocation de son directeur général (I). L’arrêt est surtout novateur en ce qu’il précise ensuite que si les actes extra-statutaires peuvent compléter ces statuts, ils ne peuvent y déroger (II).

I. La détermination des modalités de révocation du DG par les statuts

Il convient d’analyser tant le sens du principe énoncé par l’arrêt du 7 octobre 2022 que sa portée.

A. Le sens du principe énoncé

Si une société par actions simplifiée doit nécessairement être dotée d’un président qui la représente, les statuts peuvent aussi prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés par la loi au président (C. com., art. L. 227-6, alinéa 3). Le législateur renvoie ainsi aux statuts, d’une part, pour prévoir l’existence-même d’un directeur général et, d’autre part, pour déterminer l’étendue des pouvoirs qui lui sont confiés.

En revanche, aucune disposition légale ne régit spécifiquement la révocation d’un directeur général de société par actions simplifiée ni celle d’un directeur général délégué et pas davantage celle du président dont la présence est obligatoire. Les fonctions de directeur général ou directeur général délégué existent dans les sociétés anonymes (C. com., art. L. 225-51-1 et  art. L. 225-53). Et leur révocation est régie par l’article L. 225-55 du Code de commerce. Toutefois, malgré un renvoi au régime des sociétés anonymes, cette disposition particulière à la révocation des DG ou DGD n’est explicitement pas applicable aux sociétés par actions simplifiées (C. com., art. L. 227-1, al. 3).  Aussi, en application de l’article L. 227-5, il appartient aux statuts de fixer les conditions dans lesquelles la société est dirigée et par voie de conséquence celles dans lesquelles cette direction prend fin, notamment par voie de révocation. Ceux-ci peuvent tout autant prévoir l’organe compétent pour procéder à une révocation (les associés, un comité, un juge…) que ses modalités telle la libre révocation à tout moment ou une révocation soumise à un juste motif, à peine d’indemnisation (B. Dondero, Droit des sociétés : Dalloz, Hypercours, 7e éd. 2021, n° 951). En l’absence de précision statutaire, les dirigeants d’une société par actions simplifiée sont révoqués sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un motif (Cass. com., 9 mars 2022, n° 19-25.795).

En l’espèce, l’indemnisation réclamée par le dirigeant révoqué étant prévue directement dans un courrier qui lui avait été adressé en contradiction des statuts, sa demande ne pouvait pas prospérer. Du moins, elle était vouée à l’échec dans la mesure où elle était dirigée contre l’associé unique non pas pris personnellement, mais comme ayant-droit de la SASU. En effet, l’arrêt mentionne que cet associé unique vient aux droits de la SASU ce qui laisse entendre que celle-ci avait été dissoute ce qui emportait une transmission universelle du patrimoine à son associé unique (C. civ., art. 1844-5, al. 3). En sa qualité d’ayant-cause universel, l’associé unique ne pouvait être tenu du versement d’une indemnité que si la société disparue y était tenue en application des statuts.

B. La portée du principe

Le contexte dans lequel le principe est énoncé conduit à deux observations. On peut en premier lieu se demander si la solution eût été différente si le procès-verbal de nomination ne procédait pas par renvoi à un courrier du même jour adressé au directeur général, mais mentionnait explicitement les modalités de cette indemnité. S’agissant d’une SASU, l’associé unique décide seul de modifier les statuts, du moins si les modifications statutaires relatives à l’organisation de la direction lui ont bien été confiées par ces mêmes statuts (C. com., art. L. 227-9). Une mention sur le registre des décisions de l’associé unique aurait pu s’analyser en une modification statutaire ouvrant un droit du directeur général à une indemnité. Sans une mention sur ce registre des décisions, la décision de l’associé unique encourt la nullité et n’engage pas la société (C. com., art. L. 227-9, al. 3). En présence d’une société par actions simplifiée pluripersonnelle, une solution différente aurait pu être admise. En effet, lorsque les statuts prévoient qu’une décision collective est adoptée par le consentement unanime des associés donné dans un acte, l’acte extra-statutaire signé par tous les associés de la SAS mentionnant une indemnité contraire aux statuts peut s’analyser en une modification statutaire qui engage la société. Cette solution a été admise au sujet d’une SARL. Dans un arrêt du 12 mai 2015 (n° 14-13.744, inédit au Bull. civ.), la chambre commerciale de la Cour de cassation a énoncé que les associés d’une société à responsabilité limitée peuvent déroger à une clause des statuts et s’en affranchir par l’établissement d’actes postérieurs, valables dès lors que tous les associés y consentent. Le fait que cette décision collective ne soit pas mentionnée dans aucun registre n’entache pas sa validité dans une SAS pluripersonnelle puisque la loi n’impose aucunement la présence d’un tel registre.

En second lieu, si le courrier litigieux émanait bien de l’associé unique n’aurait-il pas pu receler un engagement personnel de ce dernier ? Un tel engagement personnel d’un associé est valable dès lors qu’il n’entrave pas sa liberté de voter. À ces conditions, une action contre l’associé pris personnellement et non pas en qualité d’ayant-cause de la société aurait pu aboutir.

La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion d’affirmer la prééminence des statuts pour organiser la direction de la société par actions simplifiée en se fondant sur la combinaison des articles L. 227-1 et L. 227-5 du Code de la consommation. Ainsi dans un arrêt du 25 janvier 2017 (n° 14-28.792), après avoir affirmé qu’il résulte de la combinaison des articles L. 227-1 et L. 227-5 du Code de commerce que seuls les statuts de la société par actions simplifiée fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée, la Cour de cassation a censuré un arrêt d’une cour d’appel qui avait retenu qu’un membre du conseil d’administration d’une société anonyme a été maintenu en fonction après la transformation de la société en société par actions simplifiée alors que les statuts de cette dernière ne faisaient pas mention d’un conseil d’administration.

Si l’arrêt de 2017 reconnaît une compétence exclusive aux statuts pour organiser la direction de la société par actions simplifiée, la décision commentée revient en partie sur cette exclusivité puisqu’elle reconnaît un rôle utile mais limité aux actes extra-statutaires au moins lorsqu’il s’agit de la mise en place des organes.

II. Le rôle utile mais limité des actes extra-statutaires

La leçon principale de l’arrêt du 7 octobre 2022 tient au principe qui découle la détermination de la direction par les statuts : les actes extra-statutaires peuvent compléter les statuts mais ne peuvent y déroger.

A. Le rôle complémentaire des actes extra-statutaires

Il appartient aux associés d’une société par actions simplifiée d’organiser la direction de la société au moyen des statuts. Hormis le président qui est obligatoire dans la société par actions simplifiée, les statuts doivent préciser si celle-ci est dotée d’un ou plusieurs directeurs généraux ou directeurs généraux délégués. Les statuts peuvent aussi mettre en place un conseil d’administration, un comité exécutif ou tout autre organe dont la dénomination est libre. Lorsqu’un organe, tel un conseil d’administration n’est pas statutairement prévu, il résulte clairement de la décision précitée du 27 janvier 2017 qu’aucune personne ne peut se prévaloir de la qualité d’administrateur. En raison de l’exclusivité statutaire affirmée par l’arrêt, il ne serait pas possible d’instituer un administrateur et, a fortiori, un directeur général par une convention de management. Cet arrêt publié du 27 janvier 2017 condamne ainsi la solution qui avait été précédemment admise dans un arrêt du 24 novembre 2015 (n° 14-19.685, non publié au Bulletin) dans lequel les Hauts magistrats motivaient leur décision de rejet en déclarant qu’une Cour d’appel, après avoir relevé que les statuts d’une société par actions simplifiée prévoyaient seulement les modalités de désignation du président, éventuellement assisté d’un vice-président, avait retenu, sans dénaturer ces statuts, qu’ils ne faisaient pas obstacle à ce que la société confie sa direction générale à une société tierce par la voie d’une convention de prestation de services.

Les statuts déterminent aussi les conditions et modalités de mise en place de cette organisation : les conditions de nomination et de cessation des fonctions du président, des directeurs généraux et directeurs généraux et tout autre dirigeant de la société par actions simplifiée quelle que soit sa dénomination. C’est alors à ce niveau qu’un acte extra-statutaire peut compléter ces conditions. Quel acte extra-statutaire ? On songe d’abord à un règlement intérieur. Ainsi, lorsque les statuts prévoient que le président de la société est nommé ou révoqué par un comité directeur, les modalités de convocation, voire de prise de décision de ce comité peuvent être adoptées dans le règlement intérieur de ce comité.

L’arrêt du 7 octobre 2022 n’exclut pas qu’une convention extra-statutaire puisse jouer un rôle. Par exemple, si les statuts prévoient que la révocation d’un dirigeant donne lieu à indemnisation en l’absence de juste motif, une indemnité pourrait théoriquement être prévue dans une telle convention. Toutefois, pour que la SASU soit engagée et doive verser cette indemnité, encore faut-il que la convention soit conclue par la personne chargée de la représenter et, notamment, son président. Une telle convention conclue avec la société au profit de ses dirigeants serait soumise au contrôle des conventions réglementées (C. com., art. L. 227-10). Une convention conclue avec l’associé unique ne pourrait qu’engager ce dernier. Néanmoins celui-ci peut aussi, par une décision unilatérale, octroyer une indemnisation au nom de la société, pourvu que sa décision soit consignée sur le registre des décisions de l’associé unique pour sa validité (C. com., art. L. 227-9, al. 3).

Si un acte statutaire peut compléter les prévisions statutaires, il ne peut en revanche y déroger.

B. L’interdiction de déroger aux statuts par des actes extra-statutaires

Dans le régime sociétaire, la hiérarchie des normes place les statuts au-dessus des actes extra-statutaires. Ces derniers ne peuvent déroger aux statuts. Cette hiérarchie entre les statuts et le règlement intérieur est déjà affirmée par le législateur (C. com., art. L. 225-37 et art. L. 225-85). Si l’extension de ce principe hiérarchique à tous les actes extra-statutaires est clairement affirmée par la Cour de cassation, son application pratique n’est pas sans incertitude. Et la décision du 7 octobre 2022 ne dit rien de la sanction applicable à l’acte extra-statutaire dérogeant aux statuts.

S’agissant de la notion de dérogation aux statuts, il ne fait aucun doute que lorsque les statuts prévoient une révocation sans motif et sans indemnisation, comme c’était le cas en l’espèce, l’acte extra-statutaire qui prévoit une révocation pour juste motif ou, en toute hypothèse, le versement d’une indemnité déroge aux statuts. Cette dérogation est interdite. À l’inverse, lorsque les statuts renvoient expressément à un règlement intérieur pour fixer des modalités de révocation, l’acte fixant ces modalités pris en application de ce renvoi constitue un acte complétant les statuts et non pas y dérogeant.

La difficulté naît lorsque les statuts sont muets sur les conditions et modalités de l’organisation et du fonctionnement de la direction sociale. L’acte extra-statutaire régissant ces conditions et modalités est-il un acte complémentaire ou un acte dérogatoire et, partant, interdit ? Pour ce qui est de la mise en place d’un organe dirigeant non prévu par les statuts, il s’agit d’une dérogation interdite à suivre l’arrêt du 27 janvier 2017.

Pour se focaliser sur la révocation, si les statuts ne précisent rien au sujet de la révocation des dirigeants de SAS, sont-ils tout simplement révocables ? On sait que, faute d’être prévue par les statuts, une demande de révocation judiciaire d’un dirigeant de SAS doit être rejetée (CA Versailles, 17 septembre 2013, 12e ch., n° 11/08075 : JurisData n° 2013-020722). Mais doit-on considérer qu’il est même irrévocable par les associés ? D’aucuns considèrent qu’il existe un principe de libre révocation des dirigeants (Mémento Sociétés commerciales 2022, n° 12482) qui s’applique aux dirigeants de la SAS dans le silence des statuts (En ce sens : B. Dondero, Droit des sociétés : Dalloz, Hypercours, 7e éd. 2021, n° 951). Ce principe est généralement fondé sur la qualité de mandataire social du dirigeant. Or, le mandataire est librement révocable par son mandant en application de l’article 2004 du Code civil l’article 2004 du Code civil . Mais l’application du régime du mandat dans les relations entre le dirigeant et la société a explicitement été exclu par la Cour de cassation (Cass. com., 18 sept. 2019, n° 16-26.962, jugeant, pour refuser à un gérant de SNC le remboursement par la société d’une indemnisation à laquelle il a été condamné sur le fondement de l’article 2000 du Code civil, que le dirigeant social d’une société détient un pouvoir de représentation de la société d’origine légale, de sorte que les dispositions spécifiques du Code civil régissant le mandat n’ont pas vocation à s’appliquer dans les rapports entre la société et son dirigeant). Ainsi dans le silence de statuts, ne peut-on pas craindre que le dirigeant d’une SAS soit irrévocable ? Certains auteurs admettent qu’une clause d’irrévocabilité est licite dans les statuts d’une SAS (H. Azarian, J.Cl. com., Fasc. 1534 : sociétés par actions simplifiée – fonctionnement, spéc. n° 12. – J.-P. Bertrel, Liberté contractuelle et sociétés. Essai d’une théorie du « juste milieu » en droit des sociétés : RTD com. 1996, p. 601, spéc. n° 11. – J.-J. Caussain, Du bon usage de la SAS dans l’organisation des pouvoirs : JCP E 1999, p. 1664. – P. Le Cannu, Les dirigeants de la société par actions simplifiée : Rev. sociétés 1994, p. 246, spéc. n° 11). S’il faut une clause d’irrévocabilité, c’est que le principe reste la révocabilité.

Lorsque la révocation est prévue par les statuts, mais ne précise pas si elle doit être motivée, la révocation est libre (Cass. com., 9 mars 2022, n° 19-25.795). Dès lors que la Cour de cassation impose que l’exigence d’une motivation soit expressément prévue par les statuts, il y a lieu de considérer qu’un acte extra-statutaire exigeant une révocation motivée, dans le silence des statuts, serait une dérogation interdite. On peut en dire autant de l’acte extra-statutaire prévoyant une indemnité alors que son principe n’est pas prévu par les statuts.

Il reste alors à se demander quelle sanction frappe l’acte extra-statutaire dérogeant aux statuts. Une Cour d’appel a déclaré nulle et réputée non écrite la clause d’un pacte extra-statutaire prévoyant une majorité de 66 % pour la révocation laquelle contrevenait au principe d’une révocation à tout moment prévu par les statuts (CA Paris, Pôle 5, 9e ch., 2 décembre 2014, n° 13/24889 : JurisData n° 2014-033257). La nullité d’un pacte d’associés fondée sur la violation des statuts est fragile. Quelle condition requise pour la validité du contrat n’est-elle pas remplie (C. civ., art. 1178) ?  Dès lors que la loi n’a pas érigé un principe impératif  de libre révocabilité des dirigeants de SAS, la convention ne déroge à aucune règle d’ordre public susceptible d’annulation (C. civ., art. 6 et  art. 1162). La nullité du règlement intérieur violant les statuts est encore moins certaine. En effet, celui-ci est adopté par un organe interne à la société au moyen d’une délibération. Or, en application de la jurisprudence Larzul, un acte ou une délibération d’une société par actions simplifiée ne respectant pas les statuts n’est pas sanctionné par la nullité, sauf dans les cas dans lesquels il a été fait usage de la faculté, ouverte par une disposition impérative, d’aménager conventionnellement la règle posée par celle-ci (Cass. com., 18 mai 2010, n° 09-14.855 : Bull. civ., IV, n° 93). L’annulation devient possible si l’article L. 227-5 du Code de commerce constitue une dispositions impérative aménageable par voie statutaire au sens de la jurisprudence Larzul. La délibération et, par voie de conséquence, le règlement intérieur ne respectant pas les aménagements statutaires relatifs à la direction sociale rendus possibles par les dispositions impératives de l’article L. 227-5 encourt la nullité. Il reste à attendre la décision des magistrats du quai de l’Horloge qui érigera cet article en disposition impérative aménageable.