Gilles Raoul-Cormeil et Anne Caron-Déglise (dir.)
La vie privée de la personne protégée
Mare & martin, 2019
Isabelle Corpart
Maître de conférences à l’Université de Haute-Alsace
Membre du CERDACC
Chacun a droit au respect de sa vie privée (C. civ., art. 9) et plus généralement au respect de ses droits de la personnalité. Ce principe vise la personne à tout âge et en toute situation, que l’on soit un personnage public, une personne privée majeure mais aussi mineure ou encore un majeur protégé. Pour les personnes vulnérables, l’expression de ce droit conduit aussi à s’interroger sur le respect du secret professionnel et sur le rôle à tenir par les organes de la protection juridique des majeurs, qu’il s’agisse de tuteurs ou curateurs familiaux ou de mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Néanmoins, pour assurer la sauvegarde des intérêts de la personne protégée, son représentant doit pouvoir accéder à des informations qui relèvent normalement de sa vie privée, aussi, après avoir posé le principe du respect de la vie privée des personnes rendues vulnérables par leur situation personnelle, en raison d’une altération, médicalement constatée, de leurs facultés mentales ou corporelles, de nature à empêcher l’expression de leur volonté (C. civ., art. 425), faut-il prévoir des dérogations. Dans ce contexte, il revient à un tiers de prendre en charge la personne à protéger ou son patrimoine, ce qui ne serait pas possible s’il ne pouvait avoir accès à aucune information personnelle, médicale, financière ou patrimoniale. Une telle intrusion dans la vie privée peut néanmoins poser problème à la personne vulnérable ou, parfois, à sa famille (délicat notamment quand elle vit encore en couple), aussi faut-il déterminer clairement la frontière entre les éléments dont peut – et doit – avoir connaissance son représentant légal pour qu’il puisse efficacement veiller à ses intérêts et la sphère intime qui n’appartient qu’à l’intéressé (en particulier ce qui touche à sa vie affective et sexuelle).
Tout l’intérêt de cet ouvrage est de rechercher les limites au droit à la vie privée et le cadre des atteintes qui se justifient par la recherche de l’intérêt du majeur protégé. De nombreuses illustrations et explications sont proposées dans cet ouvrage rédigé sous la direction de Gilles Raoul-Cormeil et Anne Caron-Déglise (à propos des informations bancaires, de la circulation des données médico-sociales ou personnelles, …), à la suite d’un colloque organisé à Caen en 2017, mais le texte est abondamment complété par les écrits d’un spécialiste de la question, récemment décédé, Thierry Verheyde. Il permet ainsi de rendre un hommage posthume à un magistrat qui a largement œuvré à la construction d’un droit des majeurs protégés qui ne sacrifie pas leurs droits fondamentaux mais prenne la pleine mesure de leurs besoins actuels et futurs : « Thierry Verheyde a planté un arbre dans la forêt de la connaissance du droit ». Cette jolie formule de Gilles Raoul-Cormeil nous invite à la réflexion pour améliorer encore et toujours la protection offerte aux personnes vulnérables, dans un souci d’humanisme mais en dégageant des dispositifs juridiques adaptés à leur situation particulière, notamment quand elles vivent en institution.