Blandine Mallevaey et Alice Fretin (sous la dir. de), L’enfant et le sexe, Dalloz, 2021
Par Isabelle Corpart
Maître de conférences à l’Université de Haute-Alsace
Membre du CERDACC
L’ouvrage « L’enfant et le sexe » dirigé par Blandine Mallevaey et Alice Fretin arrive à point nommé alors que les incidences du sexe sur la vie familiale sont au cœur de l’actualité, plusieurs affaires sensibles étant en discussion à propos de relations prétendument incestueuses (dans l’attente de la fin des procès). Pour autant, parler de sexe ne se réduit pas à des questions de droit pénal et le mérite de cet ouvrage qui regroupe 24 contributions est d’aborder cette thématique de manière très large.
Si parler de sexe englobe la question de l’inceste, cela renvoie encore à d’autres tabous, tels les mutilations sexuelles et en particulier la circoncision. L’état civil est aussi largement impacté par ces questions car des difficultés juridiques, mais aussi sociales et médicales visent les mineurs tout autant que les majeurs lorsque leur sexe est mal défini à la naissance ou quand ils souhaitent en changer.
Aborder les questions de sexe conduit également à rappeler des principes de base concernant les mineurs, rangés dans la catégorie des personnes frappées d’incapacité. Ils ne peuvent pas faire seuls des actes juridiques et, d’une manière générale, pour qu’ils puissent valablement agir, il importe de s’assurer de leur consentement, de leur discernement ou maturité, tout en veillant à leur protection et en combinant des règles de droit civil et pénal. Ces aspects de droit pénal sont précisément essentiels pour comprendre de nombreux dossiers dans des affaires visant des relations incestueuses ou des relations dans lesquelles le consentement du mineur à l’acte sexuel ne peut pas être validé, ou encore relatives à la pédopornographie ou à la prostitution des mineurs. En droit civil, il s’agira d’aborder d’une part, les retombées sur l’exercice de l’autorité parentale et le recours aux mesures d’assistance éducative (face à des parents abuseurs, incestueux ou proxénètes) et d’autre part, l’état civil des mineurs qui renvoie au droit des personnes en cas d’intersexualité ou de transsexualisme. Selon les cas, les contributeurs à cet ouvrage exposeront leurs points de vue en droit pénal ou en droit civil, mais aussi en droit de la santé, ou traiteront de ces cas sous l’angle de la psychologie, toutes les pistes étant explorées pour protéger au mieux l’enfant.
La complexité des analyses tient aussi au fait que, débattre de l’enfant et du sexe, conduit à parler des mineurs de tous âges, quand bien même des différences notables sont à faire entre un très jeune enfant et un grand adolescent, surtout au regard de leur sexualité. On notera sur ce point que les tabous liés à la sexualité juvénile sont fort affectés par l’évolution des mœurs et que des divergences éthiques et sociales sont à pointer entre les pays et à travers les époques. Un des points forts de cet ouvrage est aussi de proposer des regards différents sur cette problématique au vu des convictions religieuses (circoncision et excision notamment).
Traiter de l’enfant et du sexe, revient aussi à parler du sexe de l’enfant, sachant que sa détermination est parfois délicate (notamment pour les enfants intersexes), voire changeante. Avec les débats relatifs au genre et à la transidentité, le principe de l’immutabilité de l’état des personnes lié à la mention du sexe à l’état civil a été assoupli, le Code civil intégrant désormais le syndrome du transsexualisme et autorisant le changement de sexe.
Toutes les contributions réunies par Blandine Mallevaey et Alice Fretin rappellent que le droit a un rôle protecteur à jouer, d’autant plus que le mineur est fragile, vulnérable et démuni. Il doit être mis à l’abri de toutes les atteintes qui pourraient être faites à son sexe, même de son plein gré. Il faut le protéger contre les autres, y compris sa famille, et contre lui-même.